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Migrants: hausse des traversées de la Manche en 2020, pourquoi?

Tous ces éléments réunis ont créé « un environnement hostile qui pousse les gens à se dire : 'Je n'ai pas d'autre choix que de traverser' ».

Migrants: hausse des traversées de la Manche en 2020, pourquoi?

En 2021 (au 20 novembre), 31 500 migrants ont traversé la Manche vers le Royaume-Uni : plus du double qu’en 2020. Les raisons? Les contrôles accrus sur les autres routes, la ruse des passeurs, l’augmentation de la violence policière.

Forte augmentation des traversées de la Manche par des migrants

2021 est l’année des records en ce qui concerne les migrants. Dommage qu’ils soient tous négatifs, signes du désespoir croissant de ces personnes.

L’année dernière, plus de 15 000 migrants ont tenté de rejoindre l’Angleterre par la mer. Du 1er janvier au 20 novembre 2021, quelque 31 500 migrants ont effectué la traversée : soit plus du double sur une période plus courte.

En octobre, Londres a déclaré que 22 000 migrants avaient traversé la Manche.

La situation est préoccupante : le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, Philippe Dutrieux, a averti que les tentatives de traversée de la Manche ont doublé au cours des trois derniers mois.

La majorité des tentatives partent de la côte de Calais et se dirigent vers les falaises blanches du Kent, visibles à l’œil nu depuis la plage française.

Souvent, cette traversée, effectuée illégalement et dans des bateaux surpeuplés et dans de mauvaises conditions, s’avère fatale. Le mercredi 24 novembre, 27 migrants sont morts lorsque leur bateau a coulé.

Mais pourquoi cette hausse ?

Contrôles plus stricts sur les autres moyens de transport

L’augmentation du nombre de traversées maritimes est principalement due au renforcement des contrôles sur les ferries, les trains, les voitures et les camions.

Des kilomètres de clôtures de haute sécurité ont été construits dans le Pas-de-Calais, limitant l’accès au port et au tunnel sous la Manche.

Par ailleurs, les perquisitions se sont intensifiées et utilisent également des équipements de pointe : capteurs de CO2 ou de fréquence cardiaque, imagerie à ondes millimétriques, vidéosurveillance, drones, etc.

Une autre cause de cette situation est le Covid-19, qui en 2020 a « considérablement réduit le trafic transmanche », conduisant encore plus de migrants à « se déporter vers les plages », a expliqué Philippe Dutrieux.

« Ce qui prime, c’est la sauvegarde de la vie humaine »

Il est clair que sécuriser une gare et un port est une chose, sécuriser une centaine de kilomètres de côtes en est une autre.

Le phénomène a en fait commencé à Calais « avant de se déplacer plus au sud, vers Boulogne », a détaillé la préfecture maritime. Il recouvre désormais l’ensemble du littoral, ce qui représente une très grande zone à surveiller.

Les ressources allouées à cette fin sont en constante augmentation. Le ministère de l’Intérieur a indiqué que cela a permis d’éviter 62 % des lancements. Cependant, il est toujours impossible de détecter chaque tentative.

De plus, une fois que les bateaux sont sortis des dunes, il est trop tard pour arrêter les fuyards. Les intercepter serait « un risque extrêmement important vis-à-vis de ces embarcations, qui sont surchargées, avec des femmes et des enfants » a déclaré le préfet maritime.

« Ce qui prime, c’est la sauvegarde de la vie humaine ».

Les autorités maritimes se concentrent donc sur le sauvetage des bateaux en difficulté et la surveillance des autres.

« Tant que le danger n’est pas avéré, on les accompagne pour éviter l’accident et, lorsque l’on arrive dans les eaux britanniques, les secours britanniques les prennent en charge », a expliqué la brigade nautique de la gendarmerie de Calais.

Passeurs plus rusés

Deuxièmement, les contrebandiers sont devenus plus malins.

L’augmentation du nombre de migrants traversant la Manche cette année est « due principalement à une nouvelle stratégie des passeurs », a déclaré le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, début septembre, dans une lettre à son homologue britannique Priti Patel.

Le ministre affirme que les migrants utilisent des bateaux plus grands, qui peuvent accueillir jusqu’à 65 personnes, au lieu des embarcations de fortune utilisées jusqu’en 2020.

En outre, le ministre a évoqué des « tactiques de diversion » consistant à utiliser des « bateaux d’appât ».

« Dès que les conditions météo sont favorables, les passeurs utilisent une tactique de saturation en envoyant simultanément plusieurs embarcations depuis différents points de la côte », a révélé Louis Le France, préfet du Pas-de-Calais dans Le Figaro.

Plusieurs bateaux de mauvaise qualité, sur lesquels sont placés les migrants les plus pauvres, sont mis à l’eau en même temps. Lorsque les patrouilleurs français se dirigent vers ces bateaux, ils laissent le champ libre à ceux qui sont plus grands, plus forts et plus chers.

De plus, afin d’échapper aux patrouilles sur le sable, les contrebandiers passent de la dissimulation de leurs bateaux dans les dunes, qui devient de plus en plus risquée, à une « dépose-minute » des embarcations et migrants directement sur le rivage.

Enfin, le prix des traversées a diminué, ce qui les rend plus attrayantes. Les sauveteurs en mer ont indiqué que le coût d’une traversée était passé de 6 000 € à environ 3 000 €.

« C’est la loi de l’offre et de la demande », a déploré le patron de la SNSM de Boulogne-sur-Mer, Guillaume Gatoux.

Violence policière à Calais

Une autre raison de l’augmentation des traversées est la situation sur la côte de Calais.

Pas moins de trois organisations ont dénoncé, en 2020, un « harcèlement policier » matérialisé par des destructions de campements « toutes les 48 heures », avec « privation et confiscation des biens personnels » et une « restriction de l’accès à l’eau, la nourriture et l’hygiène ».

« Les conditions de survie sur le littoral sont de plus en plus difficiles, avec des évacuations massives et une forte pression policière », a révélé à l’AFP François Guennoc, président de l’Auberge des migrants.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme s’est aussi adressée au gouvernement. Dans ce message, elle l’invite à « mettre un terme à la politique sécuritaire dite du ‘zéro point de fixation’ », qui se traduit par des « expulsions de plus en plus récurrentes, massives et répressives et des atteintes graves à la dignité ».

Toutes ces difficultés ont été exacerbées par Covid-19, qui a réduit les possibilités d’aide humanitaire sur le terrain, comme le révèle l’ONG britannique Care4Calais.

Tous ces éléments réunis ont créé « un environnement hostile qui pousse les gens à se dire : ‘Je n’ai pas d’autre choix que de traverser’ ».

« Quand tu n’as plus de tente ni nulle part où aller, forcément, tu essaies de traverser » a noté l’association Utopia 56 sur le site ASH.

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