Aujourd’hui sort en DVD le film Mammuth, de Benoît Delépine et Gustave Kervern.
Des deux complices, on connaissait le succès d’estime du 1er long métrage Aaltra de 2004 et le très populaire Louise-Michel de 2008.
Aussi, on s’attendait à un Mammuth dans la même lignée, surtout avec Gérard Depardieu en tête d’affiche.
Il n’en fût rien.
Leur 4ème film ne se contente pas d’être par moment hilarant.
C’est surtout un superbe road-movie, avec ses rencontres bigarrées.
Avec ceci d’original qu’il est un chemin introspectif du ‘héros’ dans une réalité sociale loin de la comédie.
Elle glisse souvent dans le fantastique, tant au niveau de l’esthétique que de la mise en scène, avec de magnifiques accents poétiques.
MotoOr, l’instrument de ce retour à la liberté est bien-sûr marqué par cette moto 70’s qui l’attendra tant d’années durant.
Dès les premières scènes, l’humour est saisie par l’ambiance et la direction d’acteur sobre et mutique imposé par le duo cinéastes sur l’animal Depardieu.
A l’image du personnage Serge Pilardosse, alias ‘Mammuth’ comme sa moto, les images du film ont un côté très granuleux qui donne un visuel à la fois métaphysique et authentique, ‘vintage’ et fulgurant d’énergie.
En bon road-movie, la trame de fond semble au premier abord légère.
Synopsis: Serge Pilardosse vient d’avoir 60 ans.
Il travaille depuis l’âge de 16 ans, jamais au chômage, jamais malade.
Mais l’heure de la retraite a sonné, et c’est la désillusion : il lui manque des points, certains employeurs ayant oublié de le déclarer! Poussé par Catherine, sa femme, il enfourche sa vieille moto des années 70, une Mammut qui lui vaut son surnom, et part à la recherche de ses bulletins de salaires.
Durant son périple, son passé ressurgit et sa quête administratives s’envole… comme sur l’affiche.
Mammuth, disponible en DVD dès le 2 Novembre 2010: produit en 2009, sortie en 2010.
Réalisation : Gustave Kervern et Benoît Delépine.
Acteurs : Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Isabelle Adjani, Anna Mouglalis, Miss Ming, Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde, Philippe Nahon… Ce vieux motard nouvellement à la retraite incarne en fait les crises existentielles de l’homme à une certaine étape de sa vie, celle qu’il fait mal comme lui rappelle sa femme Yolande Moreau.
Une existence inhumaine dans une société de solitude tuant toute once de sensibilité.
Certaines scènes, comme celles impassibles devant la mort au supermarché, ou improbables de la co-masturbation pour ressentir la sensation d’être à nouveau vivant, symbolisent l’autisme et l’incommunication (chargée de violence) dans tous ses échanges relationnels acquis ou tentés.
Cette quête vaine de paperasse devient une recherche de lui-même, une prise de conscience de ce qu’il a perdu et surtout de ce qu’il a encore.
Dans une certaine mesure, Mammuth rappelle The Brown Bunny de Vincent Gallo dans sa façon épurée de traiter le road-movie, parallèle loin d’être une mince référence.
Même la réponse à la suggestion de prendre la moto* et l’apparition magique de celle-ci (la fameuse Münch Mammuth de 1966-1973) sont de toute beauté.
En outre, il est clair que le duo ‘Grolandais’ s’inspire de The Wrestler de Darren Aronofsky, caméra sur l’épaule.
A l’évidence, tel un mimétisme troublant, le ‘héros’ qu’incarne Gérard Depardieu apparaît aussi de dos.
D’ailleurs, on profite souvent de sa longue crinière blonde empruntée sans détour à Mickey Rourke dans sa fabuleuse interprétation de ‘The Ram’.
Au rythme des apparitions intrigantes d’Isabelle Adjani et de la mélodie de Gaëtan Roussel (placée de façon un peu répétitive), on retient de Mammuth une âme sincèrement poétique, presque débarrassée de ses tics ‘made in Groland’ qui font la marque de fabrique du binôme cinéaste.
L’humour n’en est que plus fort, parce que chargé d’émotion dans des scènes inventives.
Avec ce rôle, notre ‘Gégé’ national opère un virage salvateur, acteur lié au film dès le départ et condition sans laquelle il n’aurait vu le jour.
Tel un ours triste des cavernes sortant de cage, il impose parfois son imposant périmètre pour nous surprendre dans un registre émotionnel inattendu sans haut de voix.
Petit à petit, sous les roues de sa moto, il retrouve un sens à sa vie.
La joie reprend enfin le dessus.
Longtemps resté en salle, Mammuth est une œuvre artistique qui a touché bien plus largement que les seuls motards cinéphiles.
Il n’en reste pas moins que sa sortie DVD impose de le voir immanquablement figurer dans votre collection Moto & Cinéma.
* Initialement, Benoît Delépine ne voyait guère que la Kawasaki 1300Z 6 cylindres (1978-1988) pour figurer au ‘casting’ de son film aux mains de Gérard Depardieu.
Puis, il s’est ravisé pour trouver une moto charismatique plus rare et ancienne, toujours à la mesure de l’acteur.
La fameuse Mammuth (1ère du nom) à moteur automobile s’est imposée grâce à un spécialiste Allemand de la Münch dont il possède l’exemplaire restauré pour le film.
Seul un problème d’embrayage est survenu avant le tournage.
Sources photos : www.
toutlecine.
com et www.
allocine.
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