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« Deux ‘Salaire de la Peur’ sur Netflix »

C’est Julien Leclercq qui pourrait blâmer Netflix pour avoir téléchargé Le Salaire de la peur, un joyau du cinéma français réalisé en 1952 par Henri-Georges Clouzot (1907-1977) et sorti en 1953. Julien Leclercq est l’auteur du remake financé par la plateforme qui l’a rendu disponible le même jour que l’original. Tout le monde est ravi d’avoir accès à ce film impressionnant et audacieux, rempli d’excentricités et de traits de génie. Sa proposition est à la fois Hergé et Céline et sa forme doit tout à Clouzot, dont le contrôle débordant et misanthrope s’étend à chaque mouvement des acteurs et aux moindres détails de chaque plan. La comparaison avec son disciple n’est pas favorable.

Il est nécessaire de parler du Salaire de Julien Leclercq car il est à l’origine de la nouveauté. Dans le scénario original, basé sur le roman de Georges Arnaud (1917-1987) publié en 1949, Julien Leclercq et Hamid Hlioua n’ont conservé que l’élément le plus mémorable : un groupe de laissés-pour-compte chargés de transporter un lot de nitroglycérine par de mauvaises routes jusqu’à un puits de pétrole enflammé afin que l’explosion de la cargaison étouffe l’incendie.

Il y a sept décennies, ces laissés-pour-compte étaient des caricatures d’Européens ignorants, bloqués dans une petite ville d’Amérique centrale dans l’impossibilité de partir, faute de fonds et d’ambition. La version moderne les place dans un pays arabophone et francophone indéfini, en proie à un trouble dont les causes et les conséquences restent insaisissables.

Un texte réécrit pourrait être le suivant : Il n’y a aucune raison de s’inquiéter, car on nous encourage à se concentrer sur les expatriés : les frères Fred (interprété par Franck Gastambide) et Alex (joué par Alban Lenoir), le premier étant un petit voyou qui survit grâce à des petits emplois dans le domaine de la sécurité, le deuxième étant un bon père et un expert en explosifs ; il y a aussi Gauthier (Sofiane Zermani), le leader d’une équipe de mercenaires ; et enfin Clara (Ana Girardot), une travailleuse humanitaire qui aide les communautés locales. Nous ignorons les détails sur ces communautés, sauf qu’elles sont en difficulté, coincées entre les groupes armés et le pouvoir de l’État. Seuls les Français peuvent venir à leur aide.
La nature des emplois de ces personnages, ainsi que le contexte politique, nous préparent dès le début : il n’y aura pas seulement des camionneurs qui risquent leur vie à chaque obstacle imprévu. Malgré la nitroglycérine (un choix anachronique) transportée par ces camions, ils sont constamment sous le feu des ennemis de toutes sortes. Toutefois, pour le réalisateur Julien Leclercq, la véracité des réactions, que ce soient chimiques ou émotionnelles, semble être le moindre de ses soucis. Plutôt, il semble se sentir obligé d’inclure au moins une cinquantaine de balles dans chaque scène de tir. Franck Gastambide, lui, semble principalement préoccupé d’apparaître comme le Vin Diesel de Fast and Furious.
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