La lutte contre les risques liés à la consommation de médicaments opioïdes est un problème que l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) tente de résoudre depuis des années. Ces médicaments, notamment le fentanyl, ont causé une crise de santé aux États-Unis. Pour mieux contrôler ce problème croissant, l’ANSM a récemment pris une décision importante: à partir du 1er décembre, deux opioïdes courants, le tramadol et la codéine, ne seront plus délivrés sans une ordonnance dite « sécurisée », autrement dit, une ordonnance qui ne peut pas être falsifiée.
Le tramadol est utilisé pour soulager la douleur et est le principal représentant des opioïdes. Cependant, il présente un risque élevé de dépendance et peut provoquer des problèmes de santé graves. La codéine s’utilise pour relâcher la douleur légère à modérée et la toux, cependant, une lourde dépendance peut se développer lorsqu’elle est utilisée à haute doses et sur de longues périodes.
Auparavant, ces médicaments étaient délivrés suite à la présentation d’une ordonnance standard. Pour minimiser le risque d’abus, tous les médicaments contenant du tramadol ou de la codéine, seuls ou en combinaison avec d’autres substances comme le paracétamol ou l’ibuprofène, ne seront dispensés désormais que sur présentation d’une ordonnance sécurisée.
De plus, l’agence a également réduit la durée maximale de prescription pour la codéine.
Pour être infalsifiable, une ordonnance doit respecter certaines conditions : elle doit comporter des informations obligatoires préimprimées en bleu pour identifier qui a prescrit le médicament, un filigrane de caducée doit être présent, ainsi que des carrés en micro-lettres, et le poids du papier doit être d’au moins 77 g/m2. Il est indispensable que le dosage, la posologie et la durée du traitement soient rédigés en toutes lettres. À partir du 1er décembre, la durée maximale de prescription de la codéine sera limitée à douze semaines. Au-delà, une autre ordonnance sera requise.
Toutes les ordonnances écrites avant le 1er décembre resteront valides jusqu’à leur date d’expiration. Tous les médicaments à base de codéine nécessitent une ordonnance depuis 2017. En 2020, la durée maximale de prescription des médicaments contenant du tramadol a été réduite à douze semaines. L’ANSM a également demandé aux fabricants de produire des boîtes de tramadol avec moins de comprimés, adaptées aux traitements de courte durée.
Malgré ces mesures, des enquêtes ont révélé que les cas d’abus, de surdoses et de dépendance persistent, ce qui justifie la mise en place de nouvelles directives. Certains médicaments, tels que les opioïdes (comme la morphine), certains antidépresseurs, antipsychotiques et stupéfiants, nécessitent déjà de telles ordonnances. Des centaines d’ordonnances ont été falsifiées.
Philippe Vella, directeur médical à l’ANSM, a déclaré à l’AFP que bien que ces médicaments soient très efficaces pour faire face à la douleur, il est essentiel de promouvoir leur utilisation appropriée en raison des dangers qu’ils représentent. Il a ensuite mené à bien l’année 2022, au cours de laquelle 457 des 2 600 ordonnances frauduleuses portaient sur le tramadol, 416 étaient liées à la codéine pour ses produits antitussifs, et 293 étaient destinées à traiter la douleur.
Philippe Besset, président de la FSPF, le principal syndicat de pharmaciens de France, a quant à lui plaidé pour une limitation drastique de l’utilisation de ces médicaments hautement dépendants. Il a souligné que le passage vers cet objectif est bien orienté, mais a déploré l’utilisation d’un système de vérification obsolète, surtout à une époque où nous sommes supposés faire la transition vers l’ère numérique afin de minimiser les cas de contrefaçon. Selon lui, le progrès sur cette question est nettement en retard.
D’après les dernières statistiques de l’ANSM en 2019, environ 10 millions de Français avaient reçu au moins une seule ordonnance pour des analgésiques opioïdes en 2015. En 2022, l’abus du tramadol plus la codéine ont entraîné un cumul de 20 décès en France.
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