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« Œuvre écrite et parlée » d’Akerman: feuilleton de Samoyault

« Œuvre écrite et parlée. 1968-2015 », une publication de Chantal Akerman éditée par Cyril Béghin, est disponible en trois volumes dans un coffret à L’Arachnéen, avec 1 584 pages pour un coût de 59 €.
CHANTAL AKERMAN : UNE LÉGENDE NÉE
Elle suggère dans son œuvre que bien que nous voyions couramment une femme dans une cuisine, à force de la voir, nous avons tendance à l’oublier, à oublier de prêter une attention véritable à elle. Cependant, lorsqu’on met au premier plan ce qui est souvent invisible, c’est peut-être alors que nous arrivons à le voir réellement pour la première fois. Cette citation est tirée de son texte fortement autobiographique « Le frigidaire est vide. On peut le remplir », publié en premier lieu en 2004 dans Autoportrait en cinéaste (Cahiers du cinéma/Centre Pompidou, 2004). Akerman l’a également plusieurs fois évoquée quand elle parlait de son film « Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles » qui est sorti en 1975. Ce film a été élu en 2022 comme le meilleur film de tous les temps selon le classement décennal de la revue du British Film Institute, Sight and Sound.

Le livre intitulé « Œuvre écrite et parlée » est un regroupement de tous les travaux rédigés par Akerman, incluant des retranscriptions d’entretiens et de lectures faites par elle-même dans ses films et installations. Il s’agit d’une collection admirable et essentielle en trois volumes, due à la dispersion et l’inaccessibilité préalable de ses écrits. Si certains de ses livres ont été publiés de son vivant – tels que Hall de nuit (L’Arche, 1992), Une famille à Bruxelles (L’Arche, 1998), Autoportrait en cinéaste et Ma mère rit (Mercure de France, 2013) – leur réédition n’est pas systématique. En complétant sa bibliographie avec des notes d’intention, des scénarios et une ribambelle d’interviews, qu’ils soient écrits ou enregistrés, ce recueil présente une œuvre en perpétuelle évolution.

Pourquoi cet assortiment est-il si émouvant ? Il est le reflet d’une tension vers une nécessité intérieure vitale. Pour couvrir les mots non dits, Akerman écrit et filme le silence. Née d’une mère rescapée d’Auschwitz en 1945, au sein d’une famille juive polonaise marquée par la mort et l’absence, elle a dû composer avec une histoire lacunaire. Ce qui l’a poussée à reconstruire sa mémoire – ce qu’elle nomme son « ressassement ». « On essaie de combler ces vides, ou même ce vide, avec tout ce qu’on peut glaner, à gauche, à droite et au centre du vide. On tente de se construire notre propre vérité imaginaire. C’est pourquoi on rumine. On rumine encore et encore. Et parfois, on tombe dans le vide ».

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