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« Llamasoft : L’épopée Psychédélique de Minter »

Avec ses cheveux longs, son look de rockeur et ses lunettes de soleil, Jeff Minter détonnait dans le monde du développement de jeux vidéo lorsqu’il a créé le studio Llamasoft en 1982. Il était surtout célèbre pour ses créations qui sortaient de l’ordinaire : à une époque où Pac-Man dominait l’univers vidéoludique, Minter a introduit des chameaux qui tiraient des lasers dans « Attack of the Mutant Camels » et une grille rouge où des vaisseaux spatiaux se faisaient la guerre au travers de missiles dans « Gridrunner ». Ces oeuvres peu conventionnelles ont fait de ce britannique une vedette locale dans une industrie encore naissante à cette époque.
Cependant, son travail a progressivement été oublié, disparaissant en même temps que les premiers ordinateurs grand public (tels que le Sinclair ZX80, le Commodore 64, l’Atari ST, etc.) pour lesquels ils avait été créé.
Le documentaire « Llamasoft : The Jeff Minter Story », en vente sur PC et toutes consoles depuis le 13 mars, revient sur une quarantaine de jeux (certains sont des déclinaisons d’un même concept) créés entre 1982 et 1994. Tous ces jeux, à l’exception de certains étranges projets musicaux, ont pour point commun de proposer des sessions de jeu rapides, des univers uniques et des ennemis féroces.
Au bout de 40 ans, les premières oeuvres psychédéliques de ce britannique excentrique continuent d’émerveiller. Elles proposent un voyage fascinant dans des mondes divers, où animaux, pyramides égyptiennes et vaisseaux spatiaux cohabitent dans un joyeux chaos, avec leurs graphismes pixelisés et leurs couleurs vives.

La capsule temporelle ne fait aucune compromission avec la modernité, préservant l’apparente inaccessibilité des jeux vidéo de jadis et l’obscurité d’oeuvres uniques comme Mama Llama qui ravi seulement les connaisseurs avec la patience de se plonger dans un manuel détaillé et de petite écriture.

Plus qu’un simple « retrogaming »
La série « Gold Masters » de Digital Eclipse est davantage qu’une anthologie de retrogaming classique. Son deuxième opus utilise la stratégie du « documentaire de jeu vidéo » qui peut être navigué avec une manette, une idée déjà testée avec succès dans The Making of Karateka (2023) focalisé sur la figure de Jordan Mechner, le génie américain derrière Prince of Persia.

La création de ce documentaire de jeu vidéo est structurée en chapitres et parcourue à travers des timelines parsemées de documents. Cela permet de plonger librement dans les archives – carnets, photos, disquettes, articles de journaux, etc. Ou si on préfère, on peut directement cliquer sur la couverture d’un jeu et l’essayer dans l’une de ses versions originales.

En outre, Jeff Minter, désormais à l’aube de ses soixante ans, apparaît en vidéo : toujours aussi barbu, chevelu et actif (son Akka Arrh, lancé en 2023, aurait aussi bien pu être lancé en 1983). Il accueille les joueurs-visiteurs dans la ferme où il réside depuis quarante ans, discutant avec jovialité des jours glorieux de son studio. Son témoignage est inestimable, éclipsant sensiblement ceux des autres participants, relégués au statut de fans.

L’ensemble du travail de recontextualisation de ses productions est fascinant, même en l’absence d’une perspective historique des scènes filmées. Les nombreux documents fournis révèlent l’image d’un programmeur visionnaire qui a su repérer le potentiel artistique des jeux vidéo dès leurs premières étapes.

En revanche, l’histoire de sa carrière suit un tracé classique mais efficace : il y a d’abord une montée vers le succès, suivi d’une descente vers l’oubli. Jeff Minter, pourtant, n’est pas simplement un cliché de l’artiste maudit. Il est davantage un individualiste qui n’a jamais succombé aux appels de l’industrie ni n’a abandonné ses convictions. Il est l’essence même du créateur indépendant, résolument réfractaire à adhérer à autre chose que sa propre inspiration, capable d’insuffler une âme supplémentaire à ses jeux vidéo.

Avis sur Pixels :
Ce que nous aimions :
– la ludographie, très instructive, nous a immergés dans une période que nous n’avons pas vécue ;
– le personnage du créateur atypique aux univers mémorables ;
– les deux derniers titres, les moins démodés.
Ce que nous aimions moins :
– les manuels de règles, pas très clairs lorsqu’il s’agit d’expliquer le concept et les nuances des jeux ;
– la difficulté à comprendre de nombreux titres ;
– l’absence de mise en contexte dans les sections documentaires.

Ce jeu est fait pour vous si :
– vous êtes nostalgiques des jeux de tir des années 1980 qui font « bip bip » et vous donnent une sacrée leçon en une minute ;
– vous avez un faible pour un oncle ou cousin hippie bricoleur ;
– vous êtes capables de placer sur une ligne du temps les lancements des Sinclair ZX80 et ZX81, des Atari ST et Jaguar ou des Commodore VIC-20 et C64.

Si les points suivants correspondent à votre profil, alors cela ne vous convient probablement pas :
– Si vous souffrez d’épilepsie ;
– Si vous préférez les jeux vidéo avec des scénarios ;
– Si vous avez une allergie aux lamas.

Commentaire de Pixels
Tempest 2000/Atari 2600
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