
Le film « Je verrai toujours vos visages » réalisé par Jeanne Herry en 2023 met en scène le personnage d’Adèle Exarchopoulos, une victime d’inceste perpétré par son frère, qui entame un processus de justice réparatrice. Sa conseillère lui suggère de réfléchir à l’idée de pardon, et la protagoniste rétorque qu’elle ne sait pas si elle pourrait pardonner à son frère, malgré qu’elle l’ait fait emprisonner.
L’idée que le pardon est une obligation morale est une notion universelle, répandue à travers différentes cultures. Dans le Catéchisme de l’Église Catholique (Mame/Plon, 1992), on peut lire que « le pardon est une exigence chrétienne ». En principe, pour un fervent chrétien, il ne devrait y avoir aucun dilemme : le pardon est perçu comme une responsabilité chrétienne par la théologie qui envisage la réconciliation comme le fondement de l’histoire du salut, comme le soulignent les théologiens Karlijn Demasure et Jean-Guy Nadeau dans leur article « Entre le devoir de pardonner et le droit de ne pas pardonner » publié dans la revue des Théologiques en 2015. Cependant, dans sa version 2024, le pardon a évolué pour devenir un outil de développement personnel.
Dans les classiques, comme la Bible, et les travaux des philosophes du XXe siècle tels que L’Imprescriptible. Pardonner? de Vladimir Jankélévitch et Pardonner. L’impardonnable et l’imprescriptible de Jacques Derrida, la thématique du pardon a toujours été présente. Cependant, dans les rayons d’une librairie, ces textes traditionnels sont désormais rejoints par des best-sellers contemporains tels que Le Pouvoir du pardon radical de Colin Tipping, Le Don du pardon d’Olivier Clerc et Se faire le cadeau du pardon de Pierre Pradervand.
Dans ces nouvelles œuvres, le pardon n’est plus perçu comme un sacrifice, mais comme un processus d’acceptation et d’amour de soi, selon Roxana Prenveille, l’auteure de Mon cahier. Se libérer par le pardon. Elle propose une nouvelle perspective où celui qui a offensé devient bienfaiteur plutôt que bourreau, brisant ainsi le statut de victime pour devenir bénéficiaire, comme expliqué dans Le Pouvoir du pardon radical.
Présenté comme un outil de bien-être et d’épanouissement, le pardon semble également avoir des avantages pour la santé. On suggère que le pardon pourrait réduire le niveau de stress, diminuer les risques de maladies cardiovasculaires et mentales. Il semble que l’acte de pardonner ait de plus en plus à offrir, au-delà du simple salut de l’âme et de la noblesse morale.
Néanmoins, le reste de cet article est réservé aux abonnés.
Laisser un commentaire