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« Universités Ivoiriennes Prêtes à Entreprendre »

Stanislas Konan, un étudiant de 24 ans en criminologie à l’université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan, se trouve face au sérieux dilemme de devoir envisager une réorientation professionnelle, notamment vers l’informatique, afin de maximiser ses chances d’emploi. Sur les 40 000 étudiants qui obtiennent leur diplôme chaque année dans les universités et écoles privées de la Côte d’Ivoire, seulement 31,7% parviennent à trouver un emploi à l’issue de leurs études, d’après les chiffres officiels de 2019, un taux comparable à celui des diplômés de la formation professionnelle.

Le nombre d’étudiants augmente à un taux annuel de 6,3%, atteignant presque 300 000, mais le marché de l’emploi n’est pas en mesure d’accueillir un tel volume d’étudiants. Coulibaly Djakaridja, le directeur de l’Observatoire de l’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur (Oipdes) note que plus de la moitié des étudiants sont contraints à accepter des emplois qui ne correspondent pas à leur niveau d’études. Afin de remédier à cette situation, les autorités cherchent à améliorer la sélection universitaire et à aligner les programmes d’enseignement aux attentes du marché de l’emploi.

En 2018, la Banque Africaine de Développement (BAD) avait déjà souligné le risque d’une « croissance sans emploi » pour les pays de l’Afrique de l’Ouest. Yao Seraphin Prao, un économiste ivoirien, note une insuffisance d’offres d’emploi dans le secteur tertiaire qui correspondent au niveau de qualification des étudiants. Une tendance que la réforme de l’enseignement supérieur, qui a été initiée en mai 2023, vise à inverser, en misant sur « plus de pratique et moins de théorie ».

Pour éviter une augmentation du chômage (12,6% pour les 15-34 ans) et l’emploi informel – qui occupe 90% des travailleurs ivoiriens – parmi les étudiants, une refonte des programmes a été initiée en privilégiant « plus de pratique et moins de théorie », comme demandé par Adama Diawara. Les neuf universités publiques du pays sont désormais dirigées de manière plus professionnelle, comme le décrit le responsable de l’Oipdes. Le nouveau statut des universités comme Établissement Public à Caractère Scientifique et Technologique (Epast) les encourage à se concentrer sur « la création d’emplois, de valeurs et d’activités industrielles ».

Cette inclusion du privé dans l’enseignement public vise à améliorer l’employabilité des étudiants. Elle s’accompagne d’une élévation du niveau d’entrée requise et d’une mise en veille de certaines filières qui fournissent peu d’emplois, avec les sciences sociales en première ligne. Le ministre de l’enseignement supérieur cherche à « éviter une surpopulation dans certaines filières » et appelle à « une régulation des inscriptions ». Une telle régulation a déjà commencé avec l’établissement de critères plus stricts pour l’accès au doctorat, et devrait se poursuivre lors de la prochaine rentrée pour le master. « Si on laisse trop de personnes intégrer le système, il y a un danger d’explosion sociale à la fin », a-t-il précisé.

Une réforme du BTS est également prévue pour la rentrée de septembre. Même sans connaître les résultats de l’étude interne commandée sur le taux d’insertion des différentes filières, le ministère a déjà des orientations précises pour ses étudiants : les industries minières, agroalimentaires, numériques et du BTP. « Ce sont des secteurs qui embauchent davantage », déclare Coulibaly Djakaridja.

Il encourage aussi l’embauche de stagiaires.

L’étape du stage est un prérequise indispensable pour les diplômés en devenir. Pour ce fait, l’État mène des efforts importants et a mis en place diverses initiatives pour les promouvoir, comme le Projet emploi jeune et développement des compétences (Pejedec), qui vise à offrir des stages à 68 000 jeunes d’ici 2026. Lors d’une conférence sur l’investissement hôtelier le 28 février à Abidjan, le ministre de la jeunesse, Mamadou Touré, a appelé le secteur privé à jouer un rôle crucial en matière d’emploi et de formation.

Bien que la loi exige que les entreprises de Côte d’Ivoire accueillent des stagiaires, le gouvernement a décidé d’introduire des encouragements fiscaux et financiers pour faire respecter cette disposition. Les entreprises reçoivent un crédit d’impôt et ne paient qu’un tiers des 65 000 francs CFA (approximativement 100 euros) habituellement réservés pour la compensation des jeunes.

Urielle Kone, étudiante en deuxième année de master de physique chimie à l’université Nangui-Abrogoua d’Abidjan, est réaliste : « Tout repose sur le réseau. Si tu n’as pas de relation, c’est vraiment compliqué d’obtenir un stage. » Ses deux compagnes sont d’accord avec elle. L’une d’entre elles, Régina Bailly, envisage de laisser tomber sa carrière de chimiste pour devenir développeuse web. Elle regarde avec une certaine réserve les stands au loin qu’elle n’a pas encore décidé d’aborder.

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