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« Vampire dans une Zone Pavillonnaire »

Dans l’opinion de « Le Monde », il est incontournable de voir « En attendant la nuit », une réalisation de Céline Rouzet. Ce n’est pas un film de vampire ordinaire. La réalisatrice qui est connue pour son documentaire sur les Papous (« 140 kilomètres à l’ouest du paradis », 2021) approche le genre de manière originale. Plutôt que de tourner dans l’obscurité, elle choisit de filment dans la semi-obscurité et remplace l’acte de succion par une transfusion de sang. Ces choix contribuent à réinventer sans manquer de respect, le romantisme noir et l’esthétisme expressionniste que Nosferatu le vampire (Allemagne, 1922) de Friedrich Wilhelm Murnau a établi pour les générations futures.

Voici l’intrigue. La famille Féral déménage dans une ville montagneuse avec leurs deux enfants, Philémon (Mathias Legoût Hammond), 17 ans, et sa jeune soeur. La mère (Elodie Bouchez, exceptionnellement angoissée) a trouvé un emploi d’infirmière dans un centre de collecte de sang local où elle effectue son plan : dérober des poches de sang pour les transfuser à son fils. Sa survie en dépend depuis qu’il a tété un sein sanglant dès sa naissance. Ou peut-être l’a-t-il mordu. Jusqu’à maintenant, sa mère gérait seule avec ses propres réserves de sang, mais il faut admettre que fournir son propre sang à son fils pendant toutes ces années l’a épuisée.

Le jeu avec la lumière est un élément central du film.

En intégrant l’aspect de vampire dans le contexte familial, la cinéaste redéfinit la solitude du jeune individu pâle qui a soif de sang, redirigeant celui-ci vers un effort communautaire, prêtant ainsi au film une perspective conspiratrice fortement excitante. Les précises techniques de montage, les choix astucieux du cadre et la vivacité des dialogues révèlent les dynamiques insidieuses de suspicion et de surveillance du quartier envers ceux qui viennent d’arriver. L’ensemble se situe au cœur d’un quartier résidentiel dont la propreté impeccable et les jardins extrêmement bien entretenus évoquent la représentation hollywoodienne d’illusions, rendue populaire par la série Desperate Housewives (2004-2012) se déroulant dans le quartier élégant de Wisteria Lane. « L’herbe est verte car on n’est pas autorisé à marcher dessus sauf lorsqu’il y a des invités », explique une jeune résidente habituée à la rigueur. Au passage, il convient de remarquer que ce paysage si respectable représente l’attirance continue du cinéma français de genre pour les États-Unis.
Le grand défi du film de vampire est de manipuler la lumière. Tandis qu’il s’est toujours nourri des contrastes tranchants formés en studio, Waiting for the Night – un titre très éloquent – joue avec la pénombre et la lumière naturelle. En tant que vampire astucieux, Philémon peut survivre grâce à un simple bandana placé sur la vitre arrière de la voiture, des rideaux semi-transparent tirés sur les portes vitrées du salon, l’ombre d’un arbre ou celle de sa casquette. Cette flexibilité offre au film une latitude considérable et surtout un accès à ce que les autres vampires ont rarement connu : la zone grise.
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