Trois jours après la formation du gouvernement dirigé par Michel Barnier, les citoyens français se demandent toujours si leurs taxes seront augmentées, leurs services publics réduits, les efforts de transition climatique maintenus et des mesures prises contre le « piège des bas revenus ». Malgré un été complet sans aucune discussion sur les problèmes majeurs, le nouvel cabinet ne fournira des réponses à ces interrogations qu’à partir du mardi 1er octobre, lors du discours général du nouveau Premier ministre à l’Assemblée nationale. En l’espace de moins de deux jours, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a déjà présenté son plan, mettant l’accent sur son thème favori : l’immigration.
Le 24 septembre, il a exprimé au Figaro sa volonté de mettre fin au « chaos migratoire » et a déclaré que « trop c’est trop ! Un pays n’est pas une gare ». Lors d’une interview sur TF1, il a décrit la France comme « le pays le plus attractif d’Europe » et a envisagé l’élaboration d’une nouvelle législation. Moins d’un an après l’échec politique de la loi Darmanin, Retailleau semble vouloir donner une seconde vie à de nombreux articles qui ont été rejetés par le Conseil constitutionnel. L’empressement de cet ancien leader des sénateurs du parti Les Républicains à se présenter comme le défenseur d’une France supposée assiégée par des vagues d’immigrants est à double tranchant.
D’une part, nous avons un écart manifeste entre les préférences démocratiques des Français et les résultats des élections législatives anticipées. Les Français ont majoritairement rejeté le Rassemblement national et son instrumentalisation nocive de la xénophobie au second tour, pourtant ils se retrouvent avec un ministre de l’intérieur qui, dès sa nomination, active les mêmes alarmes.
D’autre part, Bruno Retailleau dans son empressement à prendre les rênes de Beauvau, ne véhicule pas la vérité. Il est en décalage avec la réalité complexe des motifs d’exil, de la nature aléatoire des itinéraires migratoires et des dangers mortels encourus. Affirmer que les étrangers optent pour la France à cause de la générosité de sa protection sociale est une ignorance flagrante. Prétendre que des instructions sévères à l’encontre des préfets changeraient significativement la situation des étrangers sans papiers est également trompeur. Il néglige une série de facteurs, y compris diplomatiques et découlant d’engagements internationaux, qui empêchent leur renvoi à la frontière. Cette approche n’alimente rien de plus qu’un discours simplifié et peu efficace, sur lequel le Rassemblement national espère capitaliser.
Il n’y a guère de doute que le sujet de l’immigration agite l’opinion publique française, réclamant une stratégie bien définie, principalement sur le plan européen et international, ainsi qu’un message authentique. Un simple regard sur la majorité des pays développés confirme qu’ignorer cette réalité ou la simplifier comme de la simple « xénophobie », comme certaines factions de la gauche tendent à le faire, ne combattra pas l’envie sociale, la peur du déclassement, les stéréotypes ainsi que les mensonges qui transforment cette question en un puissant outil politique. Néanmoins, mettre les immigrants sous les projecteurs au début d’une nouvelle et incertaine législature ne fera qu’alimenter le feu du Rassemblement national déjà ardent, valider son usage des étrangers comme des boucs émissaires, et pave la voie à ses prochaines outrances.
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