Au sein du réfectoire d’une institution éducative fermée, l’ambiance est électrisée à l’aube de l’hiver 2022. Le champ est occupé par deux jeunes, baignant dans un échange d’insultes et de menaces. Gwendal, un apprenti éducateur de 25 ans alors en alternance, est celui qui prend le rôle de spectateur de cet événement, crispé. Le personnel est insuffisant ce jour-là dans cette sorte de « prison juvénile ». Si la situation dérape, l’intervention de Gwendal serait nécessaire.
La violence des premiers coups est stupéfiante. « C’était comme s’ils se battaient à mort », se remémore Gwendal qui, maintenant âgé de 27 ans, s’était interposé. Ayant une carrière de cinq ans en rugby, il avait l’habitude des contacts physiques et avait acquis à la fois une stature digne de ce nom et une puissante sérénité.
Cette présence suffisante n’a pas suffi. « En tentant de les séparer, je me suis pris un plateau avec de la verrerie et des assiettes sur la tête, j’ai commencé à saigner de la tête ». Choqué, l’apprenti éducateur a été renvoyé chez lui. Il s’est remis au travail le lendemain. « Pas un seul appel ou sms de mes collègues pour prendre de mes nouvelles », tient à préciser Gwendal, à moitié amer. Au sein de cette institution éducative fermée, la violence était tout à fait courante et banale au quotidien. Quant à lui, il était là pour apprendre, sans que personne ne lui offre un cadre d’apprentissage. Son tuteur était le seul éducateur spécialisé de l’institution. Ce dernier et Gwendal ne partageaient jamais le même planning de travail. « J’étais laissé à moi-même ».
Gwendal était sur le point d’abandonner son rêve professionnel un jour. Il envisageait de se détourner de la profession qu’il avait toujours voulu exercer et qui lui avait redonné un sens après qu’une blessure grave avait mis fin à sa carrière de rugbyman. Suite à cet incident, il a quitté son apprentissage au CEF et a trouvé un emploi dans une structure d’hébergement et d’accueil qui s’occupe d’enfants en placement, leur fournissant un environnement stable. Actuellement, il y travaille encore. « Ça se passe bien, cependant, je pense que le travail des éducateurs n’est pas suffisamment reconnu. Nous absorbons les problèmes que la société préfère ignorer, » déplore-t-il.
La crise de l’attraction est un problème majeur dans le secteur de la santé et du social. Les institutions ont du mal à recruter des travailleurs. Presque tous les établissements (97%) de protection de l’enfance rencontrent des difficultés d’embauche, et 9% des postes restent vacants, comme le rapporte une étude de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs de santé et sociaux (Uniopss) parue en Novembre 2023.
Les effets de cette crise sont ressentis dès la formation des futurs travailleurs sociaux. Les établissements ont du mal à remplir leurs promotions : d’après les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress), en dix ans, le nombre d’étudiants inscrits dans des écoles de formation aux métiers sociaux a diminué de 6% et près de 10% des étudiants abandonnent dès la première année.
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