
Le journaliste Charles Christian Wertenbaker a partagé une expérience vécue en temps réel du Jour-J et de la bataille de Normandie dans son livre Invasion !, publié fin 1944. Il a observé ces événements aux côtés du photographe Robert Capa (1913-1954). Le photographe hongrois avait été affecté, avec quatre de ses collègues, à la tâche de documenter le Débarquement au milieu des soldats américains, couvrant les préparatifs et le trajet en mer vers la côte. Wertenbaker a relayé les propos de son compatriote Capa sur leur expérience: « Nous étions à bord d’un navire plaisant et impeccable avec la 16e division d’infanterie. Les repas étaient de bonne qualité et nous passions l’essentiel de la nuit à jouer au poker. Il y a eu une fois où j’ai eu une suite inférieure, mais il y avait quatre neufs contre moi, une situation inhabituelle. ». Cet extrait est issu du « Hors-Série Le Monde : 1944 – Des débarquements à la libération de la France », disponible à l’achat en kiosques ou sur le site internet de notre boutique, en mai 2024.
Lorsque l’aube se lève, la flotte s’approche de Omaha Beach. Capa nous donne un aperçu de la situation, toujours avec une pointe d’humour : « Juste avant la sixième heure, on nous a déposés dans notre bateau de débarquement et nous avons pris la direction de la plage. Quelques-uns ont discrètement rendu leur petit déjeuner dans des sacs en papier, suggérant ainsi que c’était un débarquement plutôt civilisé. Nous avons patienté pour la première vague, puis j’ai vu les premiers navires de débarquement faire demi-tour et le barreur noir d’un bateau, avec son pouce levé, laissait penser que tout allait bien. Un bruit sur notre bateau a attiré notre attention, mais personne n’y a prêté grande importance. Lorsque nous sommes descendus du bateau, nous avons commencé à patauger. Ensuite, j’ai vu des hommes s’effondrer et j’ai du les contourner délicatement, ce que j’ai fait avec respect, en me disant : «Eh bien, la situation n’est pas des plus réjouissantes. » ».
Onze images un peu floues mais significatives. »
Avec l’un des deux Contax qu’il porte autour de son cou, il capture des images. Il tient les soldats qui quittent la barge et plongent dans l’eau dans le viseur de son appareil, les suit, puis se retourne pour saisir les images des malheureux qui tentent d’atteindre le rivage. Le rouge sang de la mer, des cadavres déchiquetés par les mitrailleuses allemandes flottant partout, tout est enregistré par son objectif. Capa continue : « Après une vingtaine de minutes, je me rends compte soudainement que ce n’est pas un lieu sûr. Les chars offraient une sorte de protection contre les tirs d’armes légères, mais les Allemands visaient ces chars avec des obus. J’ai chuté près d’un soldat qui m’a regardé en disant : « La situation est plus tendue que de suer en ligne droite. » Un autre soldat a levé les yeux et a dit : « Je perçois ma mère âgée assise sur la véranda, brandissant mon contrat d’assurance. » Pendant une heure et demie, j’ai continué de prendre des photos, jusqu’à ce que mon rouleau de film soit épuisé. »
La suite de cet article est accessible aux abonnés et il reste encore 39,3% à découvrir.
Laisser un commentaire