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« Big Tech monopolisera-t-il l’Internet africain? »

Imaginez une rencontre d’élites d’affaires et financières d’un continent entier, mais sans l’accès à l’Internet. Ce scénario presque dramatique s’est presque déroulé lors du Forum des chefs d’entreprise africains, une sorte de mini-Davos africain organisé par Jeune Afrique à Kigali, au Rwanda, au milieu du mois de mai. Le 12 mai, deux câbles sous-marins ont été endommagés en Afrique de l’Est, provoquant de graves perturbations au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda et au Rwanda. «Je ne peux pas envoyer un seul email», se plaint une participante la veille du sommet.

Grâce à des efforts exceptionnels, les dommages ont été minimisés pour les professionnels qui étaient venus pour réseauter à Kigali. Cependant, dans les jours qui ont précédé, la situation a causé des ennuis aux commerçants, étudiants et chauffeurs de VTC de la région. C’était un rappel de la vulnérabilité des réseaux sur le continent, deux mois seulement après un incident similaire en Afrique de l’Ouest. En mars, quatre câbles sous-marins alimentant une dizaine de pays ont été rompus par un éboulement sous-marin, ayant des répercussions significatives pour les utilisateurs d’Internet en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Nigeria.

Est-ce que l’Afrique est plus vulnérable à ces incidents? La plupart du trafic Internet mondial passe par des câbles de fibre optique posés au fond des océans. Ces types d’incidents se produisent régulièrement à travers le monde. Le continent africain est plus touché car sa capacité à récupérer est limitée. En d’autres termes, les infrastructures en Afrique sont moins développées qu’ailleurs, que ce soit en termes du nombre de câbles ou de points de raccordement entre les différents pays.

Malgré certaines déficiences, l’Afrique s’appuie sur le numérique de plus en plus. L’Internet mobile se développe plus rapidement sur ce continent qu’ailleurs dans le monde. Toutes les entreprises, même les plus petites du secteur informel, nécessitent désormais l’internet pour servir leurs clients. Le numérique est devenu une force essentielle pour générer des revenus, créer de l’emploi et diminuer la pauvreté, comme l’a souligné Makhtar Diop, le président de la Société Financière Internationale (SFI), une branche de la Banque Mondiale focalisée sur le secteur privé, lors d’un forum à Kigali.

Paula Ingabire, la ministre rwandaise des nouvelles technologies, confirme l’importance de la technologie pour soutenir nos économies, surtout depuis le début de l’épidémie de Covid-19. Elle estime également que les pannes récentes sont un signe d’alerte, signalant que plus d’investissements sont essentiels pour renforcer l’infrastructure.

En réalité, des améliorations significatives ont déjà été apportées ces dernières années pour équiper la région. Les projets menés par les grandes entreprises du numérique devraient encore augmenter sa connectivité. Il y a par exemple le câble Equiano de 15 000 kilomètres construit par Alphabet (Google) entre le Portugal et l’Afrique du Sud, et 2Africa, un projet énorme de 45 000 kilomètres qui encercle le continent, dirigé par Meta. Selon les prévisions de la SFI, le débit en Afrique pourrait quadrupler entre 2022 et 2027.

Nouveau « esprit colonial ».

Alors que les efforts visent à réduire la fracture numérique, ils pourraient alimenter des tractations sur une autre forme de vulnérabilité : celle associée à la gestion et la surveillance des informations. Dans un univers où les données sont considérées comme le nouveau pétrole, l’Afrique risque-t-elle de perdre au final en permettant aux géants de la technologie de monopoliser l’infrastructure Internet ? De nombreux critiques sont déjà préoccupés par l’établissement d’une nouvelle « logique coloniale », comme le soulignent deux chercheurs de la Fondation Mozilla dans un document récent sur les câbles sous-marins de Google et Meta.
Une certitude demeure : l’Afrique a un besoin urgent de se connecter. Une autre question reste ouverte : la capacité d’atteindre ce but tout en assurant la souveraineté numérique des nations. Pour résoudre ce dilemme, le travail est loin d’être terminé.
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