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Faye et Ouattara, partenaires particuliers Sénégal-Côte d’Ivoire

En surveillant attentivement chaque mouvement du nouveau président Sénégalais, ses orientations politiques restent indéchiffrables un mois après son avènement au pouvoir. Sa présence à Abidjan, le mardi 7 mai, était le voyage à l’étranger le plus anticipé. En apparence, Bassirou Diomaye Faye et Alassane Ouattara ont peu d’éléments communs. Le premier s’identifie comme un « panafricaniste de gauche », tandis que le second est un libéral de droite avoué ; le Sénégalais, âgé de 44 ans, aspire à représenter le changement, tandis que le président ivoirien, âgé de 82 ans, défend la continuité.

Monsieur Diomaye Faye a récemment instauré un changement de pouvoir démocratique au Sénégal, tandis qu’Alassane Ouattara, dans son troisième mandat, n’a pas encore déclaré s’il viserait un quatrième mandat en 2025. Ces deux hommes, semblent à première vue avoir peu de choses en commun, mais ils dirigent deux des géants francophones de l’Afrique de l’Ouest, deux États qui partagent une histoire et une orientation politique en Afrique de l’Ouest, une région actuellement en crise suite à une série de coups d’état au Sahel.

Malgré leurs divergences, l’Ivoirien et le Sénégalais ont manifesté leur affinité à l’issue de leur première rencontre, assurant qu’ils étaient résolus à maintenir « l’excellente et fraternelle » relation entre leurs nations. Le président ivoirien a transmis ses « félicitations chaleureuses pour l’élection éclatante » de son nouvel homologue le 24 mars et affirme partager une « convergence totale de vues » avec lui et être « totalement en accord sur les questions internationales et de coopération régionale ».

Ils s’engagent à « travailler pour dissiper les malentendus ».

Bassirou Diomaye Faye, le président sénégalais, a récemment fait part de ses vues sur la confrontation entre les juntas au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont ils ont annoncé leur intention de se retirer. Selon lui, la CEDEAO est un incroyable moteur d’intégration à préserver. Il a souligné lors d’une conférence de presse qu’il est convaincu de la nécessité de maintenir la solidarité au sein de la CEDEAO, de mener les réformes indispensables et de démêler les malentendus qui sont inévitables.

Caroline Roussy, directrice de recherche au programme Afriques de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), a suggéré que Faye cherche à jouer le rôle de médiateur pour dissuader les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) de partir définitivement de la CEDEAO. Faye reconnait le danger potentiel de fragmentation de la communauté régionale et souhaite fortifier les connexions entre ses membres.

Faye, qui a été élu démocratiquement et bénéficie du soutien d’une jeunesse qui espère une « politique de rupture » et plus de « souveraineté », représente un vent de changement politique qui pourrait faciliter les dialogues avec les régimes militaires. Il partage avec eux des aspirations symboliques et stratégiques pour l’Afrique de l’Ouest, parmi lesquelles l’abandon du franc CFA, perçu comme un vestige colonial.

Selon les deux présidents, le thème complexe sur le plan technique n’a pas été abordé lors des discussions avec Alassane Ouattara. Le chef de l’État sénégalais a uniquement mentionné la nécessité de réaliser « des réformes indispensables » au sein « des régions que nous partageons », y compris l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le président ivoirien pourrait être en faveur d’une modification de la devise, au moins en termes de dénomination pour commencer. L’ancien fonctionnaire de haut rang de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et du Fonds monétaire international (FMI) avait annoncé, aux côtés d’Emmanuel Macron en décembre 2019, l’introduction de l’Eco en remplacement du franc CFA.

« La diplomatie de proximité »

« La position de Bassirou Diomaye Faye exige une grande finesse diplomatique », admet Mamadou Hady Dème, chercheur en sciences politiques à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. L’objectif est d’éviter de « créer des tensions » avec les juntas. Mardi, il a exprimé son espoir de pouvoir compter sur la sagesse de son ainé pour assurer la stabilité d’une région secouée par l’insécurité et l’arrivée au pouvoir de putschistes au Mali (2020), au Burkina Faso (2022) et au Niger (2023), qui entravent toute démarche démocratique et renforcent leur exercice du pouvoir.

Alors que le président Alassane Ouattara maintient des liens tendus avec les régimes militaires du Sahel, le Sénégal se présente comme le seul pays de la région capable de dialoguer avec tous les dirigeants politiques. Cela pourrait faire de ce pays la clé pour apaiser les tensions en Afrique de l’Ouest. Ousmane Sonko, le Premier ministre sénégalais, a déclaré qu’il se rendrait prochainement au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

La politique régionale apparaît comme un enjeu majeur pour le nouveau gouvernement sénégalais. Ayant déjà visité la Mauritanie, la Gambie et la Guinée-Bissau, la décision de se rendre en Côte d’Ivoire pour la première visite de Bassirou Diomaye Faye dans un pays non frontalier du Sénégal démontre la nouvelle orientation diplomatique de Dakar, explique Mamadou Hady Dème. C’est un contraste frappant avec l’empressement des prédécesseurs de M. Faye à visiter la France : trois semaines après son élection en 2012, l’ancien président Macky Sall (2012-2024) avait été reçu par Nicolas Sarkozy à l’Élysée. « C’est un changement majeur », note le chercheur universitaire.

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