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30 avril 2024 1 h 10 min

Lagardère examiné pour abus sociaux-pouvoir

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Arnaud Lagardère, le directeur général du groupe Lagardère, est soupçonné d’avoir utilisé les fonds de ses entreprises pour soutenir son mode de vie et ses dépenses personnelles pendant de nombreuses années. Une mise en examen a été effective le lundi 29 avril, suite à un interrogatoire d’une journée à Paris par une juge d’instruction.

Il a été accusé de « diffusion d’informations inexactes ou mensongères, achat de vote, abus de biens sociaux et abus de pouvoir, et défaut de dépôt de comptes », d’après une source judiciaire. « Il a été mis sous contrôle judiciaire avec une interdiction de gestion ET une obligation de verser une caution de 200 000 euros. »

Agé de 63 ans, l’homme d’affaires a été interrogé dans le cadre d’une enquête judiciaire initiée en avril 2021 par le parquet national financier (PNF) suite à une plainte du fonds Amber Capital, un signalement de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C, maintenant Haute Autorité de l’audit, H2A).

Lagardère, qui a succédé à son père, Jean-Luc Lagardère, à la tête de l’empire en 2003, est suspecté d’avoir « utilisé les actifs de Lagardère SAS et Lagardère pour financer son mode de vie et ses dépenses personnelles « , a expliqué une source judiciaire à l’Agence France-Presse (AFP). Sur plusieurs années, il est prétendu que ces sociétés « auraient supporté des dépenses liées aux bâtiments qu’il occupait ainsi qu’une dette successorale et de nombreuses avances sur compte courant ». Ces actions auraient été commises entre avril 2009 et décembre 2022.

En novembre 2019, il a été découvert par La Lettre (anciennement Lettre A) que M. Lagardère n’autorisait pas la divulgation des comptes financiers de sa propre holding, Lagardère Capital & Management (LCM). Il ne voulait pas dévoiler sa situation financière personnelle, surtout l’ampleur de sa dette. La Lettre a cité plusieurs cas où les actions du groupe détenues par M. Lagardère ont vu leur valeur tomber en dessous de sa dette, menant ainsi à une instabilité financière avec ses créanciers.

Une source proche du cas a indiqué que le problème fondamental réside dans des irrégularités comptables qui sont limitées aux sociétés privées de Arnaud Lagardère. Ces irrégularités n’ont pas causé de dommages financiers pour le groupe Lagardère, activement engagé dans les médias, l’édition, et la distribution dans les gares et les aéroports.

Pierre Leroy, ancien directeur général délégué et important membre du groupe, a été mis en examen le 10 avril pour – entre autres charges – l’achat de vote, la complicité d’abus de bien social et des rapports financiers annuels inexacts, comme l’a confirmé une source judiciaire. Cette confirmation vient soutenir les informations précédemment partagées par Libération. L’avocate de Leroy, Céline Lasek, n’a pas souhaité commenter à l’AFP.

Deux auditeurs ont été inculpés en mars pour participation à l’abus de bien sociaux. L’un d’eux, également poursuivi pour déposer des bilans inexactes et manquer à signaler des actions délictueuses, a été renvoyé par la H3C en avril 2023 pour « avoir confirmé sans réserve » les bilans de 2014 à 2018 en dépit des « irrégularités majeures », selon la décision observée par l’AFP. Il dispute son renvoi, insistant sur le fait qu’il a agi en accord avec les réglementations et qu’il n’a commis aucune faute, déontologique ou pénale, d’après sa représentante, Frédérique Baulieu.

L’autorité de contrôle pour les auditeurs a initié une investigation à la fin de 2019 et a découvert entre autres 202 millions d’euros de mouvements financiers irréguliers entre 2014 et 2018. Ceci inclut 42 millions d’euros de dettes de deux sociétés civiles immobilières (SCI), 32 millions d’euros de dettes après succession et 6 millions d’euros de dettes de compte courant d’Arnaud Lagardère.

Après le décès de Jean-Luc Lagardère, son successeur s’est endetté, a abandonné la division aérospatiale EADS et a vendu plusieurs médias. Il a abandonné en 2021 la commandite par actions, un statut instauré par son père qui leur a permis de diriger le groupe avec moins de 10% du capital, provoquant le démantèlement de leur empire familial. En novembre 2023, le groupe de médias Vivendi, dirigé par la famille Bolloré, a pris le contrôle du groupe Lagardère.

Un autre aspect de cette affaire a trait à une réunion générale de Lagardère groupe qui a eu lieu en mai 2018. Lors de cette réunion, le Qatar, un actionnaire important, a soudainement changé son vote qui était initialement en faveur d’Amber Capital. Finalement, il a décidé de soutenir la direction. Ce revirement s’est produit dans le contexte de la rivalité entre Vincent Bolloré, un allié d’Amber Capital, et Bernard Arnault, le PDG de LVMH, qui était en faveur d’Arnaud Lagardère. Contribuer.