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27 avril 2024 18 h 06 min

« L’Europe souffre d’une union incomplète »

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La Commission européenne a fait appel à ses poids lourds romains avec l’espoir de guider l’Europe vers de nouvelles directions. Le 18 avril, l’ancien Premier ministre italien Enrico Letta a dévoilé son rapport sur la réforme du marché unique européen lors du sommet européen. Ce document vise à éviter que l’Europe ne se distance trop des États-Unis et de la Chine. Par ailleurs, Mario Draghi, lui aussi ex-Premier ministre italien et ancien président de la Banque Centrale Européenne (BCE), est chargé de produire un rapport sur la compétitivité de l’Union européenne (UE), dont il a présenté les grandes lignes le 16 avril lors d’une conférence sur le pilier européen des droits sociaux.

Le constat chez les deux hommes est le même : ils estiment que la présence de trop nombreuses frontières internes limite la portée du marché unique. C’est donc une nécessité absolue pour eux de promouvoir l’union des marchés de capitaux. Sans cela, ils craignent que l’épargne abondante de l’Europe continue de s’évader à l’étranger, en particulier vers les États-Unis, au lieu de soutenir les besoins d’investissement de l’Europe. Cependant, est-ce suffisant pour faire face au monde post-covid et éloigner la crainte croissante que « notre Europe est mortelle », comme l’a exprimé Emmanuel Macron à la Sorbonne le 25 avril ?

Il est incertain si cette fragmentation, reconnue comme étant à l’origine de la défaillance européenne, est en fait un symptôme d’un défaut structurel profond. L’Europe souffre d’une union inachevée parmi ses États membres qui ont accepté de partager l’euro et la BCE, mais pas leur budget ni leur fiscalité (d’après « Un pacte budgétaire et fiscal européen face aux crises » écrit par Thomas Piketty et Antoine Vauchez, publié dans L’Economie politique no 101, 2024). En conséquence, les dépenses communes entre les États membres sont maigres.

L’absence d’économies d’échelle

Mario Draghi exprime son désarroi concernant le marché de la commande publique, qui reste fragmenté, ce qui affecte particulièrement les dépenses de défense et de sécurité, largement dispersées alors que l’Europe doit rebâtir sa souveraineté dans ce domaine. Cependant, il ne donne pas la raison principale: précisément à cause de l’absence d’un budget commun significatif et de taxes partagées, il y a peu de revenus partagés parmi les États membres, donc insuffisamment de dépenses communes. La perte d’économies d’échelle, qu’il dénonce en regrettant que l’Europe n’exploite pas naturellement sa taille à l’instar des grandes économies continentales concurrentes (États-Unis, Chine), est aussi le fruit de cette union inachevée.

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