×
google news

« Problèmes d’enseignement Seine-Saint-Denis en chiffres »

Depuis la fin du mois de février, une mobilisation syndicale s’est déroulée en Seine-Saint-Denis à l’initiative de la FSU, la CGT-Educ’action, SUD-Education, et la Fédération des travailleurs de l’éducation. Ces organisations ont mené plusieurs grèves et manifestations pour revendiquer l’abandon de la politique du gouvernement vis-à-vis du « choc des savoirs » et pour exigé un « plan d’urgence » de 358 millions d’euros pour le département.

Cette mobilisation a gagné en ampleur lorsque douze maires de la zone, le 2 avril, ont signé conjointement un décret pour exhorter le gouvernement à prendre des mesures contre le manque de ressources et de personnel enseignant, en écho aux appels syndicaux.

Le département du « 93 » est confronté à des problèmes qui sont également présents dans d’autres régions de France : la ségrégation scolaire, des difficultés de recrutement et de remplacement des enseignants et médecins scolaires, ainsi que des installations détériorées. Des rapports récents montrent par des chiffres les défis spécifiques que les écoles du département le plus jeune et parmi les plus démunis de France sont en train de relever. La majeure partie de ses écoles et collèges sont considérés comme REP/REP+, ce qui nécessite des investissements supplémentaires dans le cadre des politiques d’éducation prioritaire mises en place depuis les années 1980.

Un rapport parlementaire publié en novembre 2023 par Christine Decodts (Renaissance, Nord) et Stéphane Peu (Parti communiste français, Seine-Saint-Denis) a conclu que le département ne parvient pas à maintenir la « promesse républicaine » de l’école, malgré le plan « L’Etat plus fort en Seine-Saint-Denis » annoncé en 2019.

Des établissements publics secondaires de la Seine-Saint-Denis, ou « 93 », ont obtenu l’Indice de Position Sociale (IPS) le plus bas en France métropolitaine, indiquant que les étudiants proviennent des milieux socioéconomiquement vulnérables, ce qui crée un environnement défavorable à leur succès scolaire. L’IPS, un outil conçu en 2016 par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du Ministère de l’éducation nationale, est de plus en plus utilisé pour évaluer la situation socioéconomique des collèges et lycées, alimentant ainsi le débat sur la diversité scolaire.

La situation à Seine-Saint-Denis est exacerbée par la migration des familles les plus riches vers les établissements privés. Le département note que bien que le nombre total de cette « évasion scolaire » soit relativement faible, son impact social est significatif, avec plus de 30% des étudiants des écoles privées provenant de familles appartenant aux catégories socio-professionnelles supérieures (CSP +). Au total, 13% des étudiants résidant dans le département, soit 13 500 collégiens, sont inscrits dans des établissements privés, dont 11 500 sont inscrits dans des établissements privés sous contrats régionaux et environ 2 070 dans des écoles privées parisiennes.

Selon l’analyse de la DEPP, l’IPS des collèges privés sous contrat de Seine-Saint-Denis est comparable à celui des établissements privés dans le reste du pays.

Le département est un exemple microcosmique du phénomène de ségrégation scolaire, qui divise le pays. En d’autres termes, il y a une distribution inégale des étudiants dans les écoles en fonction de leurs attributs individuels, tels que leur contexte social, selon l’économiste Youssef Souidi, qui est postdoctorant à l’Université Paris Dauphine-PSL et l’auteur du livre « Vers la sécession scolaire ? Mécaniques de la ségrégation au collège ». Il indique clairement que dans ce département, une diversité résidentielle n’implique pas forcément une diversité dans les écoles : les élèves qui ont des caractéristiques sociales différentes mais qui résident à proximité ont une grande chance de ne pas aller à la même école.

Le corps enseignant dans la Seine-Saint-Denis est jeune et fluctuant. Elle est souvent un lieu de passage pour les fonctionnaires, beaucoup commencent leur carrière sans la connaître. En 2022, 34% des enseignants de collèges et lycées y avaient moins de deux ans d’expérience, selon le rectorat de l’académie de Créteil. Même si ce pourcentage a diminué constantement depuis 2018, il reste 5 points au-dessus de la moyenne nationale.

Les enseignants sont confrontés aux défis économiques et sociaux des élèves alors qu’ils manquent d’expérience, et l’image négative du département crée les conditions pour un départ rapide des enseignants mais aussi une difficulté à recruter, en particulier en primaire, où le besoin en nouveaux enseignants est élevé.

La cause du manque d’enseignants en Seine-Saint-Denis est en grande partie liée à la baisse des salaires dans le domaine de l’enseignement, un phénomène qui affecte toute la France, explique Stéphane Bonnéry, professeur des universités en sciences de l’éducation à l’université Paris VIII-Saint-Denis. De plus, les candidats à l’enseignement préfèrent souvent travailler dans leur région natale, faisant ainsi défaut à la Seine-Saint-Denis.

L’usage de professionnels sous contrat a donc augmenté pour combler ce vide. On en comptait 952 dans le premier degré pour l’année scolaire 2023, représentant 8% des effectifs, une augmentation par rapport aux 808 de 2022 et 577 de 2021. Au second degré, ils constituent 13% de l’ensemble des enseignants.

Un autre problème majeur dans la Seine-Saint-Denis est la fréquence élevée des enseignants non remplacés lorsqu’ils s’absentent pour cause de maladie, de maternité ou de formation. Cela entraîne une réduction du temps d’apprentissage.

Selon un rapport parlementaire de 2018 mené par les députés François Cornut-Gentille (Les Républicains) et Rodrigue Kokouendo (La République en marche), la Fédération des conseils de parents d’élèves estime que cette perte de temps équivaut en moyenne à une année d’école sur la totalité de la scolarité des enfants de Seine-Saint-Denis. Le rapport conclut que malgré les ressources considérables des établissements REP et REP+, si les élèves qui en ont le plus besoin reçoivent finalement moins de cours, ces moyens perdent leur sens.

La situation de la médecine scolaire en Seine-Saint-Denis est également préoccupante.

La médecine scolaire se trouve dans une situation préoccupante. Le rapport de Christine Decodts et Stéphane Peu souligne que, dans la Seine-Saint-Denis, seulement dix-sept des cinquante postes de médecins scolaires sont occupés.
L’intersyndicale Education a comptabilisé qu’il y a une pénurie d’infirmiers ou de médecins scolaires dans près de la moitié des écoles (48 %), les collèges à 40 % et les lycées à 35 %. On estime qu’à peu près 128 postes ne sont pas pourvus, auxquels s’ajoutent 72 postes d’assistants sociaux qui font défaut. Stéphane Bonnéry, chercheur, pointe du doigt que ce domaine professionnel a été progressivement réduit depuis les années 1990, du fait du non-remplacement des retraités et des conditions de travail peu attrayantes.
Le rapport de juillet 2023, faisant le point sur l’éducation prioritaire, montre que l’examen médical obligatoire à l’âge de six ans, effectué par le médecin de l’éducation nationale dans le but de détecter des troubles spécifiques du langage et de l’apprentissage, ne touche en 2022 que 21 % des élèves de REP et 21,5 % des élèves de REP +. Le cadre éducatif est en déclin.

L’intersyndicale de l’éducation a mis en évidence une série de problèmes affectant les écoles du premier et second degré, tels que les dégâts d’eau, l’infestation de nuisibles, le sous-chauffage des locaux et des toilettes en mauvais état. Pour remédier à ces situations, elle sollicite un surplus d’investissement de la part du public en faveur des communes (responsables des écoles), du département (collèges) et de la région (lycées). Ces entités démontrent une volonté de rénovation, bien qu’elles soient confrontées à un manque de moyens, en regard d’autres départements n’ayant pas connu une croissance démographique semblable. Par exemple, le département pense nécessiter une aide financière de l’état de 240 millions d’euros pour les six prochaines années.

Selon l’économiste Youssef Souidi, les collèges du « 93 » subissent une double peine. Avec l’augmentation démographique des quinze dernières années, le département a dû construire de nombreux établissements. Cependant, cela a laissé peu de fonds pour d’autres dépenses éducatives, tandis que les problèmes sociaux y sont plus prévalents qu’ailleurs.

Contribute/

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Lire aussi