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21 avril 2024 14 h 11 min

J’ai dégusté des bugs… et ça m’a plu !

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Laurent Veyet, avec un sourire espiègle, me dévisage et demande : « As-tu déjà consommé des insectes? » Je fronce les sourcils, me perdant dans une introspection rapide… A part cette mouche, avalée par mégarde, l’été où j’avais 7 ans? L’image me revient en mémoire : l’insecte qui zigzague au-dessus de ma glace et ce moment fatal quand il s’est écrasé contre la commissure de mes lèvres. Je peux encore percevoir le goût aigre qu’il avait laissé dans ma bouche. « Rien de préparé de manière réelle… », je réponds finalement, avec une voix incertaine. « Eh bien, essaie ceci, tu devrais aimer », me dit le chef d’un ton confiant.

Avec une pince, Laurent Veyet me présente une tuile juste sortie du four. Le petit biscuit est encore légèrement collant. Il dégage une odeur de beurre fondu et est garni d’une douzaine de petites taches noires, réparties au hasard sur son côté arrondi. Ces petites taches sont en fait des larves de coléoptères, tout à fait consommables. Ces larves, plus couramment appelées vers de farine, ont d’abord été séchées à haute température dans un four – avant d’être directement mélangées à la pâte, recouvertes d’un mince filet de miel.

Je décide d’audacieusement goûter à l’inconnu, m’engageant dans une aventure culinaire sans précédent. La première bouchée crée un mélange de textures plaisant : l’intérieur de la bouchée, moelleux, offre un contraste frappant avec la croquant des vers de farine, qui éclatent délicieusement dans ma bouche, rappelant le riz soufflé. Un véritable délice pour les amoureux des insectes, je me dis en entamant mon deuxième morceau. Cette bouchée m’offre l’opportunité de déterminer plus précisément la saveur des insectes : parmi le beurre et le miel, je distingue une saveur qui ressemble à celle du pain complet et des céréales grillées. Une agréable sensation gourmande m’envahit alors – je venais de manger des insectes et, à ma grande surprise, j’avais plutôt apprécié.

Je suis chez Inoveat, une salle à manger gastronomique située rue Marie-Stuart, Paris 2e, spécialisée dans la préparation d’insectes – le premier et unique de son genre en Europe. Chaque soir, entre six et huit personnes se rassemblent autour d’une grande table commune pour un repas d’initiation qui dure au moins trois heures. Le menu comprend sept assiettes principalement à base de légumes, agrémentées de criquets, de grillons et de vers de farine – les trois types d’insectes principalement disponibles à l’achat en France et en Europe.

Laurent Veyet, le propriétaire du restaurant et cuisinier de renom, figure parmi les précurseurs dans l’art culinaire des invertébrés. A la fin des années 90, il s’était distingué comme l’un des premiers chefs à domicile, une profession considérée comme rare à cette époque. En 2014, son intérêt s’est orienté vers les insectes comme source d’inspiration culinaire. Il déclare : « J’ai commencé à réaliser mes recettes lorsque les premiers insectes issus d’élevage ont été introduits sur le marché ». C’est ainsi qu’il a découvert les avantages de ces aliments souvent appelés « nourriture du futur ». « Leur première qualité est leur richesse en protéines et en oméga-3. De plus, l’élevage des insectes a un impact minime sur l’environnement en raison de leur petite taille et leur croissance rapide qui nécessitent très peu de ressources. »
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