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14 avril 2024 16 h 09 min

« Conscience d’être ni homme, ni femme »

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La toute première fois que j’ai été exposé au concept de non-binarité, c’était via les médias sociaux. À l’époque, j’avais 20 ans et je cherchais des informations sur l’homosexualité féminine, étant peu concernée par les questions de genre. Rétrospectivement, je crois que j’étais déjà consciente de ne pas totalement m’identifier en tant que femme. Cependant, je n’étais pas encore prête à remettre en question mes croyances et à déconstruire mon identité. J’en étais seulement à accepter mon attirance pour les femmes. Cette prise de conscience a nécessité du temps.

Je suis issue d’un milieu favorisé et d’une famille aimante et attentive. Je débordais d’énergie et appréciais les activités animées – ce qui a conduit mes parents à me surnommer affectueusement « la brute » – tout en appréciant le calme. J’évoluais dans l’univers du rugby, j’étais une bonne élève et j’avais des amis. J’étais en paix avec moi-même, acceptant la vie telle qu’elle venait.

Au lycée, grâce à des conversations avec des amies, j’ai découvert le féminisme. Je remarquais que toutes les jeunes femmes autour de moi subissaient du harcèlement dans la rue et que bon nombre avaient subi des violences sexuelles. Cela m’indignait profondément, mais je ne parvenais pas à exprimer cette colère : mes lectures m’ont aidé à comprendre la nature systémique de tels comportements. Logiquement, cela m’a conduit à m’intéresser aux problématiques LGBT et aux questions de genre. Je dévorais tout ce que je pouvais trouver sur le sujet et je partageais fréquemment des publications sur ce thème sur les réseaux sociaux, convaincue de contribuer à rendre le monde plus ouvert. Je ne voyais pas dans cette implication profonde un signe quelconque; à l’époque je me considérais simplement comme une « alliée », sans doute à cause de ma relation hétérosexuelle.

« Je ressentais un profond rejet intérieur »

L’amorce de l’année 2020 s’est avérée éprouvante. Je souffrais d’une relation toxique dont je ne parvenais pas à me libérer et j’étais aux prises avec de nombreuses interrogations concernant mon orientation sexuelle. Simultanément, je ne supportais plus mon apparence, notamment ma poitrine. Lorsqu’on m’adressait au féminin, cela générait en moi un sentiment de rejet. J’expérimentais une dysphorie de genre, un sujet sur lequel je restais silencieux. Fréquemment, je visionnais des vidéos de adolescents trans racontant leur expérience mais je ne saisissais pas pourquoi ces témoignages m’affectaient autant. Je savais que je n’étais pas un homme. Cependant, je ne me sentais pas non plus femme.

Alors, en mars, la nation est entrée en confinement. Pour ma part, tout s’est précipité à ce moment-là : je me suis retrouvé face à moi-même, à l’abri du jugement sociétal et des attentes qui l’accompagnent. Subitement, j’ai réalisé que je n’étais plus contraint à ressembler à une femme puisque personne ne pouvait me voir. Cette révelation a été comme une explosion pour moi : c’était à la fois exhaltant et perturbant. J’ai accepté d’examiner ma relation avec mon corps, de me questionner sur mon identité réelle, malgré la peur que cela suscitait.

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