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7 avril 2024 7 h 06 min

« Direct: Point sur guerre Ukraine »

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Pourquoi la mobilisation élargie en Ukraine crée-t-elle tant de difficultés?

Belgorod, affecté par des bombardements, ressent le dédain de Moscou.

A Odessa, les engagements illégaux tensionnent la société.

L’Union européenne restreint le libre accès aux produits agricoles ukrainiens.

La Russie intensifie les offensives sur les installations énergétiques d’Ukraine.

Marie Mendras: « Penser à une adhésion générale des Russes à Poutine est une erreur ».

Quel est l’impact des guerres sur le climat?

Nos réponses à vos questions les plus courantes.

Comment Moscou et Kiev mettent-ils en œuvre des drones?

Depuis de nombreux mois, la bataille des drones entre la Russie et l’Ukraine a atteint un niveau sans précédent. Selon un rapport rendu public en mai 2023 par un groupe de réflexion britannique spécialisée en défense, les Ukrainiens perdaient environ 10 000 drones par mois sur le champ de bataille, soit plus de 300 par jour. A titre de comparaison, l’armée française a un peu plus de 3 000 drones dans ses arsenaux.

Ukrainiens et Russes utilisent principalement de petits AUV (unmanned aerial vehicle, en anglais) de source civile, abordables et disponibles en grande quantité. Ils sont utilisés pour surveiller le champ de bataille et guider les troupes ou les tirs d’artillerie; certains sont également modifiés pour transporter de petites charges explosives, qui sont larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.

Bien que moins répandus, les drones-kamikazes ont également une signification cruciale. Ces véhicules aériens sans pilote (UAV) portant une charge explosive sont déployés par-dessus les lignes de front sans mission prédéfinie. Moscou emploie le Lancet-3 russe, ainsi que l’Iranien Shahed-136. En l’absence de flotte de guerre décente, l’Ukraine provoque son ennemi en utilisant des navires sans équipage, consistant en de petits kayaks télécommandés et remplis d’explosifs (450 kilos de TNT).

La révélation de l’importance des drones pour leurs actions militaires a conduit Ukrainiens et Russes à organiser un approvisionnement régulier en drones pour leurs troupes, non seulement en faisant de gros achats de drones civils sur le marché, mais aussi en établissant leurs propres capacités de production. La jeune industrie ukrainienne, qui balbutiait au début de la guerre du Donbass il y a dix ans, a émergé. À la fin du mois d’août, le ministre de la transformation numérique de l’Ukraine a annoncé qu’une réplique du drone russe, Lancet, avait été créée et serait bientôt déployée sous le nom de Peroun, le dieu slave de l’éclair et du tonnerre.

Les sanctions occidentales causent des obstacles à la Russie qui l’empêchent d’accéder aux composants électroniques. Cependant, selon les informations des services de renseignement américains, Moscou aurait commencé la construction d’une usine dans la zone économique spéciale d’Alabuga pour y fabriquer des drones-kamikazes de design iranien, tels que les Shahed-136.

Et qu’en est-il des stocks de missiles russes?
Il est extrêmement complexe, voire inconcevable, de déterminer l’état actuel des stocks de missiles de l’armée russe. Bien que les services de renseignement ukrainiens diffusent régulièrement des informations sur ce sujet, leurs déclarations semblent douteuses.

Selon les informations partagées par Andri Ioussov, le porte-parole du renseignement militaire ukrainien (GUR), relayées par Liga.net, l’arsenal russe incluait 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant le déclenchement de la guerre, et il en restait plus de 900 au commencement de l’année. En plus de cela, selon le porte-parole, l’armée russe possède des milliers de missiles antiaériens S-300, ayant une portée d’environ 120 kilomètres, ainsi qu’un grand nombre de missiles S-400, un modèle plus récent avec une portée triplée. Vadym Skibitsky, le deuxième en commandement du GUR, avait mentionné en août le nombre de 585 missiles capables de couvrir plus de 500 kilomètres.
Sur le front de la production, il semble que le rendement est maintenant d’environ 100 missiles balistiques ou de croisière chaque mois, selon divers spécialistes. En octobre, le GUR avait estimé ce nombre à 115.
De plus, la Russie aurait également obtenu des missiles à courte portée de l’Iran et de la Corée du Nord et persisterait à s’en approvisionner. Selon Reuters, qui cite des sources iraniennes, depuis janvier, 400 missiles iraniens de la famille Fateh-110 (avec une portée de 300 à 700 kilomètres) ont été livrés à la Russie, suite à un accord. On ne sait pas exactement combien de missiles nord-coréens la Russie a acquis, mais 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. Selon des experts ayant examiné les restes et les trajectoires, il est probable que ces missiles soient des KN-23 et KN-24 capables de couvrir environ 400 kilomètres.
Qu’en est-il des avions de chasse F-16 ?

En réponse à la demande prolongée du président de l’Ukraine, les États-Unis ont approuvé un transfert de chasseurs F-16 à l’Ukraine en août 2023. Plus de 300 chasseurs F-16 répartis dans neuf pays d’Europe, notamment la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal, représentent une flotte potentielle, bien que tous les détenteurs ne puissent pas les céder instantanément.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a mentionné le chiffre de 42 F-16 et garanti par leurs alliés occidentaux à Kiev, mais cet aveu n’a pas été validé. Le Danemark a promis de fournir 19 chasseurs. Les six premiers devraient être livrés à la fin de 2023, huit autres en 2024 et les cinq derniers en 2025, selon les termes déclarés par la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas ont également promis certaines unités, ils en ont en 42 au total mais ne se sont pas prononcés sur le nombre qu’ils prévoient de leur transférer.

En plus, l’Ukraine a besoin de former ses pilotes pour piloter ces chasseurs américains. Onze pays partenaires de l’Ukraine se sont engagés à soutenir cette formation de pilotage. Selon l’OTAN, les forces ukrainiennes ne devraient être prêtes pour utiliser les F-16 dans un contexte de bataille qu’au début de 2024, mais d’autres spécialistes envisagent plutôt l’été de cette même année.

Quel type de soutien militaire est fourni à Kiev par ses alliés ?

Selon un rapport récent de l’Institut Kiel, publié en février 2024, le soutien occidental à Kiev a marqué un ralentissement deux ans après le déclenchement de la guerre à grande échelle. Les secours récemment mis en place ont diminué de août 2023 à janvier 2024 par rapport à la même période de l’an dernier. Cette tendance pourrait se prolonger, avec le Sénat américain luttant pour approuver plus d’aide, et l’Union Européenne (UE) peinant à obtenir l’adoption d’un secours de 50 milliards le 1er février 2024 en raison de l’obstruction hongroise. Il est important de noter que ces deux programmes d’aide n’ont pas encore été pris en compte dans l’évaluation finale de l’Institut Kiel, qui est terminée en janvier 2024.

L’analyse de l’Institut allemand indique une diminution du nombre de donateurs, qui se regroupent autour d’un noyau de pays, comprenant les Etats-Unis, l’Allemagne, et les pays du Nord et de l’Est de l’Europe. Ces pays promettent à la fois une assistance financière importante et des armes de pointe. En tout, depuis février 2022, les pays en soutien à Kiev se sont engagés à fournir au moins 276 milliards d’euros en aide militaire, financière ou humanitaire.

En termes absolus, ce sont les nations les plus riches qui ont été les plus généreuses. Les Etats-Unis restent en tête des donateurs, avec plus de 75 milliards d’euros d’aide annoncée, dont 46,3 milliards en aide militaire. Les pays de l’UE ont publicisé à la fois des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides collectives issues des fonds de l’UE (93,25 milliards d’euros), totalisant 158,1 milliards d’euros.

Quand on compare ces dons avec le Produit Intérieur Brut (PIB) des pays donateurs, le classement change. Les États-Unis descendent au vingtième place (0,32% de leur PIB), bien après certains pays qui sont voisins de l’Ukraine ou d’anciennes républiques soviétiques. L’Estonie domine le classement des dons en proportion du PIB avec 3,55%, suivie par le Danemark (2,41%) et la Norvège (1,72%). La Lituanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%) complètent le top cinq. Les trois pays baltes, qui partagent tous des frontières avec la Russie ou son allié la Biélorussie, sont parmi les plus généreux donateurs depuis le début du conflit.

En ce qui concerne le pourcentage du PIB, la France se trouve au vingt-septième rang, ayant contribué avec 0,07% de son PIB, juste après la Grèce (0,09%). L’aide apportée par la France décline constamment depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – la France était vingt-quatrième en avril 2023, et treizième à l’été 2022.

Que savons-nous sur les tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne?

Les liens entre la Pologne et l’Ukraine sont tendus depuis plusieurs mois, principalement en raison du transit des céréales ukrainiennes. Au printemps 2022, afin de faciliter l’exportation et la vente des produits agricoles ukrainiens sans taxation douanière vers l’Afrique et le Moyen-Orient, l’Union européenne avait mis en œuvre des « voies de solidarité ». Cependant, la Fondation Farm, un groupe de réflexion sur les questions agricoles mondiales, a noté que près de la moitié des céréales ukrainiennes passaient ou finissaient leur trajet dans l’UE. Ces céréales sont beaucoup moins coûteuses que le blé produit dans l’UE, notamment dans les pays d’Europe centrale.

En avril 2023, pour protéger leurs agriculteurs locaux de cette concurrence, la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont bloqué de manière unilatérale leurs importations de céréales ukrainiennes. Cet embargo a été autorisé par Bruxelles à condition qu’il ne durera que quatre mois et n’entrava pas le transit vers d’autres pays. Malgré une analyse de Bruxelles concluant que l’embargo n’était plus nécessaire en fin d’été car il n’y avait plus de perturbation des marchés nationaux de céréales, Varsovie a refusé de rouvrir sa frontière aux céréales ukrainiennes car elle considère que le problème de base n’a pas été résolu.

Les agriculteurs de Pologne ont mis en place un blocage à la frontière polono-ukrainienne pour prohiber l’entrée des camions ukrainiens sur leur sol national. Ils exigent un embargo total sur les produits agricoles et alimentaires provenant d’Ukraine. Ils expriment leur mécontentement face à l’augmentation de leurs frais de production alors que leurs silos et entrepôts débordent et que les prix sont à leur plus bas niveau. Le dirigeant ukrainien a jugé au commencement de 2024 que ce blocus à la frontière polonaise est une preuve de la dégradation de la solidarité envers son pays et a sollicité des négociations avec la Pologne. Il a également mentionné qu’ « uniquement Moscou tire parti » de ces frictions et a critiqué la diffusion de slogans prononcés pro-Poutine.