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26 mars 2024 11 h 07 min

« Discrimination double des gays asiatiques »

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« Livre. « Excusez-moi, on ne recherche pas des individus d’origine asiatique. » C’est une phrase que Jean-Baptiste Phou, un artiste français d’ascendance cambodgienne et chinoise, a dû entendre un certain nombre de fois lors de ses auditions d’acteur. Encore plus souvent, il a été confronté à sa version condensée sur des sites de rencontre gay : « Désolé, je ne suis pas attiré par les Asiatiques. » Serait-ce une discrimination indéfendable d’un côté et l’expression naturelle d’une préférence physique de l’autre ? Ou serait-ce comme le suggère l’auteur, le rejet raciste de plus en plus flagrant ?

C’est précisément l’idée que reflète « La Peau hors du placard » (Seuil, 176 pages, 17,50 euros), une narration basée sur les déboires de l’auteur depuis son adolescence et ses premières tentatives de drague en ligne dans les années 1990 – depuis le temps du Minitel – jusqu’aux applications de rencontre contemporaines qui font usage de la géolocalisation et proposent des « filtres » ethniques. Au sein de la communauté gay, note-t-il, chacun rejette l’accusation de racisme. Certains hommes homosexuels manifestent même clairement leur attirance pour les Asiatiques. Néanmoins, constate-t-il, dans les relations interraciales, les stéréotypes persistent : un Asiatique est souvent présumé sexuellement « passif » ainsi que financièrement dépendant.

Selon lui, la communauté gay a-t-elle ainsi reproduit et amplifié à l’extrême les normes de la domination patriarcale ? Très probablement, selon l’auteur, qui observe que les relations entre hommes asiatiques sont perçues comme « incestueuses », ou même « lesbiennes » – ce dernier terme étant utilisé de manière désobligeante.

« Brutalité, contrainte et risque » »

Cette déclaration résonne puissamment en ces temps du mouvement #metooboys, qui vise à dénoncer les violences sexuelles subies par les hommes, bien que l’auteur n’ait pas prétendu faire une analyse sociologique. L’écrivain admet qu’il a été forcé d’intégrer cette « culture du viol » liée à la « culture du sexe » dans la communauté gay : « Je justifiais, je trouvais des raisons, réduisais constamment mon seuil de tolérance », confie-t-il en se remémorant un incident où son partenaire a retiré le préservatif sans son consentement. « Pour moi, l’agression, la coercition et le danger étaient des composantes inhérentes à la vie gay », écrit Jean-Baptiste Phou.

En outre, l’écrivain parle brièvement des humiliations qu’il a subies en tant qu’acteur, lorsque les auditions pour des rôles généraux lui semblaient systématiquement interdits. « Je ne tentais même plus ma chance avec ceux qui ne recherchaient pas spécifiquement un Asiatique. C’était du temps perdu. De l’énergie gaspillée », se souvient-il. Les acteurs sont-ils donc destinés à être sélectionnés uniquement sur des critères ethniques ? L’auteur ne le pense pas : dans la comédie musicale « The King and I », produite en 2014 au Théâtre du Châtelet et à laquelle il a participé, Lambert Wilson semble ne pas avoir eu de problème pour obtenir le rôle du roi de Siam.

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