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26 mars 2024 22 h 10 min

« Dépression Post-Partum : Pères Souffrent Aussi »

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Lorsque Vincent a appris que sa femme était enceinte, il était extrêmement heureux. Au cours des mois suivants, il achète un berceau pour le nouveau bébé, visite fréquemment la pharmacie et se donne l’illusion de bien se préparer. Cependant, lors de la naissance en octobre 2021, il ne ressent pas l’attachement instantané qu’il pensait éprouver. L’infirmière lui tend le nouveau-né en disant: « C’est votre fille et elle sera avec vous pour toujours. » Cette phrase simple et imposante paralyse le nouveau père; c’est alors, dit-il, qu’il entre dans « le toboggan ».

Vincent, un homme de 38 ans originaire de Lyon (qui préfère que son nom de famille ne soit pas mentionné), est né très prématuré. Cela a résulté en une paralysie cérébrale, de graves problèmes digestifs et des visites médicales constantes. Avoir un enfant a transformé sa perception de ses problèmes de santé. « J’ai flirté avec la mort depuis ma naissance, mais, pour la première fois, j’étais mortel pour quelqu’un d’autre. J’avais une grande responsabilité et peur que mon corps me trahisse enfin. Je pensais : « Je vais mourir et l’abandonner, je ne peux pas créer de lien avec elle ». »

Suite à son retour de la maternité, Vincent raconte l’expérience à sa mère. Il décrit le professionnalisme des infirmières et la qualité de l’hôpital, mais ne parle ni de son enfant ni de lui-même, signe qu’il avait coupé le contact avec ses émotions. À l’arrivée de sa femme avec le nouveau-né à la maison, il ne peut pas s’imaginer que le bébé restera à demeure. Même si Vincent est généralement une personne pleine de vie et de jovialité, il reste figé dans son fauteuil. Un mois et demi plus tard, sa femme est au bout du rouleau et décide de consulter un psychiatre que le couple avait rencontré avant la naissance. Le diagnostic tombe : Vincent fait une dépression post-partum.

Vincent avait du mal à croire à ce diagnostic, pensant que seule une femme pouvait souffrir de ce trouble. Cette idée est courante, du fait de la rareté des discussions sur ce sujet dans le discours public, ainsi que du manque d’articles scientifiques se consacrant à la dépression post-partum chez les hommes, comparé à la quantité d’articles sur celle des femmes, selon Romain Dugravier, psychiatre au GHU Paris.

Cependant, Vincent n’est pas un cas isolé. La cohorte Elfe, qui accompagne 18 000 enfants nés en France en 2011, a permis d’évaluer l’ampleur de la situation. Selon une étude publiée dans The Lancet Public Health en janvier 2023, 5% des pères seraient touchés par la dépression post-partum, contre 15 à 16% des mères. L’étude se base sur le questionnaire EPDS (« Edinburgh Postnatal Depression Scale »), proposé à 13 000 mères et 11 000 pères deux mois après la naissance.

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