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« Plan B d’Ousmane Sonko: Bassirou Faye »

L’euphorie qui a entouré Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye le samedi 16 mars à Ziguinchor (sud) a sans doute suscité quelques inquiétudes chez leurs adversaires dans la course à la présidence du Sénégal. Deux jours après leur libération grâce à une loi d’amnistie, les deux chefs du parti africain des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), dont le parti a été dissous en juillet 2023, ont su démontrer leur popularité lors du lancement de leur campagne pour l’élection du 24 mars dans la capitale de la Casamance, dont le maire est le principal opposant sénégalais. Le nom d’Ousmane Sonko était omniprésent. « Sonko, tu nous as manqué ! », « Que Dieu accorde la victoire à Sonko », étaient les slogans scandés par leurs supporters pendant le passage de leur cortège.

Cependant, ce ne sera pas le leader de l’ancien Pastef qui sera candidat à la présidence, mais son second et compagnon de cellule, Bassirou Diomaye Faye. Vêtu d’un sweat à capuche blanc et d’une casquette portant l’inscription « Diomaye président », il a salué les militants depuis le toit de sa voiture, se comportant comme un candidat en pleine campagne. Un défi audacieux pour cet homme qui fêtera ses 44 ans le lendemain du premier tour, à peine sorti de 335 jours de détention provisoire pour des accusations notamment d' »outrage à magistrat » et « appel à l’insurrection », propulsé sous les feux des projecteurs par un coup du sort politiquement parlant.

Bassirou Diomaye Faye, cofondateur du parti Pastef en 2014, a toujours été perçu comme le soutien silencieux d’Ousmane Sonko. Sonko, qui a été écarté de la course présidentielle par le Conseil constitutionnel suite à une condamnation pour diffamation, a désigné Faye comme son « plan B ». Cette décision a été formalisée fin décembre. Faye a publiquement reconnu qu’il est un candidat remplaçant, affirmant que cela leur permet de maintenir leur présence dans l’arène électorale.

Une relation étroite s’est formée au fil des ans entre les deux homme, tous deux issus de l’inspection des impôts. Bassirou nommait même son fils après Sonko, un signe de leur amitié. Selon Ousseynou Ly, membre de l’équipe de communication de l’ancien Pastef, leur lien est fraternel. Pour donner une image plus présidentielle à cet homme généralement discret, le parti souligne la similitude des trajectoires de vie des deux hommes et proclame que « Diomaye et Sonko sont interchangeables ».

À 34 ans en 2014, Faye, ancien de l’École nationale d’administration (ENA), s’est distingué lors des réunions qui ont conduit à la fondation du Pastef. Il deviendra l’un des principaux stratèges et bâtisseurs du programme de Sonko pour sa candidature à l’élection présidentielle en 2019. Son premier grand succès est venu lors de sa première élection, où il a obtenu près de 16 % des voix, se plaçant en troisième position.

La notoriété de Bassirou Diomaye Faye a augmenté suite à l’incident de « Sweat Beauty » en février 2021. Lorsque Ousmane Sonko, accusé de viols en série par une masseuse, est arrêté, le parti ex-Pastef perd son leader charismatique. Plusieurs dirigeants étant aussi arrêtés, Bassirou Diomaye Faye se porte alors à la tête du parti comme secrétaire général. « Sa sérénité et sa rigueur ont apporté de l’équilibre au parti, il a réussi à orienter notre colère. Pour lui, il était essentiel de garder son calme face au gouvernement. Il n’est pas pour la violence », témoigne Ousseynou Ly.

Le parti cherche à unir l’opposition pour les élections locales de 2022 dans sa stratégie pour s’emparer du pouvoir. « C’est lui qui mène les discussions avec les alliés, comme lors de la formation de la coalition Yewwi Askan Wi », explique son mandant, Amadou Ba (qui n’a aucun lien avec l’ancien premier ministre, le candidat du pouvoir).

M. Diomaye Faye se distingue du leader du parti, dans le moteur de l’ex-Pastef. Alors qu’Ousmane Sonko est éloquent et explosif, son adjoint a adopté le calme et la discrétion comme son identité. « Il est flexible quand l’argument est logique, mais il se montre rigide quand quelqu’un ne présente pas un argument solide pour défendre une idée. Les débats sont ardus », révèle Makhatar Seck, membre du mouvement des dirigeants de Pastef, sous la direction de Bassirou Diomaye Faye.

Il est aussi le dirigeant du syndicat des agents fiscaux.

Ousmane Sonko et son « clone » ont tous deux lancé leur carrière politique au cours de leur mission à la Direction Générale des Impôts et Domaines (DGID). C’est là qu’ils ont croisé le chemin de plusieurs autres fondateurs de l’ancien parti Pastef, comme Birame Souleye Diop et Walyd Diouf Badian. Ensemble, ils ont été membres du Syndicat des Agents des Impôts et Domaines (SAID), créé par Ousmane Sonko et El Hadji Mamadou Diao, également connu sous le nom de Mame Boye Diao, en 2006. Diao, anciennement directeur du domaine, proche allié du président Macky Sall, et candidat présidentiel, a toujours été ouvert sur sa proximité avec Sonko. L’ancienne équipe Pastef a également côtoyé Amadou Ba, l’actuel candidat au pouvoir et ex-Premier ministre, lorsqu’il était à la tête de l’administration.

Bassirou Diomaye Faye, pendant son terme comme leader du syndicat, a soutenu les efforts pour faciliter l’accession à la propriété des agents des impôts et domaines. Il a œuvré pour résoudre les problèmes rencontrés par les agents pour acquérir des terrains, du fait de certaines personnes qui se les approprient pour ensuite les revendre à leur désavantage. « Il a travaillé à distribuer ces terrains de manière transparente à des centaines d’agents et Bassirou Diomaye Faye a fait beaucoup de progrès à cet égard », déclare Waly Diouf Badian, membre du cabinet d’Ousmane Sonko et ancien supérieur de Bassirou Diomaye Faye à la DGID. Cependant, Mame Boye Diao, fait une mise au point: « Il était respecté et a suivi scrupuleusement son mandat, mais son impact n’a pas été plus significatif que celui de ses prédécesseurs ».

Comme un signe, c’est après avoir quitté son bureau fiscal et foncier à la rue de Thiong à Dakar que Bassirou Diomaye Faye a été arrêté le soir du vendredi 14 avril 2023. Par la suite, il a été mis en détention provisoire pour avoir prétendument diffusé de fausses informations, insulté un magistrat, et diffamé un organisme légalement constitué suite à la publication d’un message sur les réseaux sociaux. Il a critiqué la « mise en dénuement » de la justice, en prévoyant une peine sous forme d’inéligibilité à l’encontre d’Ousmane Sonko dans l’affaire qui l’a opposé à Mame Mbaye Niang, le ministre du tourisme. Les accusations ultérieures d' »incitation à l’insurrection » ou d' »atteinte à la sûreté de l’Etat » ont prolongé son emprisonnement.

Un « opposant au système » et un « panafricain », Bassirou Diomaye Faye s’est révélé être un lieutenant exemplaire, provoquant la même controverse qu’Ousmane Sonko. Tandis qu’Amadou Ba, le candidat au pouvoir, a qualifié le duo de « menace » pour le Sénégal, ces deux hommes sont régulièrement désignés comme des « salafistes » par leurs adversaires dans un pays modelé par l’islam soufiste confrérique. Bien que le sujet soit délicat, leurs partisans éludent le débat.

/ »« Nous écartons volontairement les questions de nature religieuse, ethnique ou d’identité. Notre refus d’impliquer les confréries est motivé par la présence inévitable de négociations en contrepartie de divers soutiens. Nous n’embrassons pas le prosélytisme afin de jouir de l’allégeance de divers marabouts », déclare M. Ba, le représentant de Bassirou Diomaye Faye, qui souligne que la coalition Yewwi Askan Wi a triomphé lors des élections législatives de juillet 2022 à Touba et Tivaouane, des forteresses des confréries religieuses. Le principal concerné garantit qu’il ne modifiera pas « la laïcité gravée dans la Constitution ».
Accusé pour son absence d’expérience en tant qu’élu ou son débâcle lors des élections municipales de 2022 à Ndiaganiao (région de Mbour), son village natal, Bassirou Diomaye Faye qui s’identifie comme « anti-système » et « panafricain », peut néanmoins s’appuyer sur le réseau territorial de l’ancien Pastef et de ses partenaires, ainsi que sur une présence considérable sur les médias sociaux. »/

Le mouvement électrise une grande part de la jeunesse en recherche d’opportunités, tout en mobilisant également les intellectuels et les fonctionnaires. Bassirou Diomaye Faye mise sur un programme qui s’inscrit dans la lignée de celui promu en 2019 par Ousmane Sonko. Parmi les engagements notables, on trouve la résolution à combattre la corruption et ce qu’il appelle «l’influence économique» française au Sénégal. Il envisage donc de quitter le franc CFA, d’éliminer le rôle de premier ministre et de créer un poste de vice-président, élu en binôme avec le président de l’État, de réduire les pouvoirs du chef de l’État, de suspendre l’accord de pêche avec l’Union européenne et de réévaluer les contrats d’exploitation de pétrole et de gaz qui devraient débuter cette année. Tout ceci, bien que prometteur, laisse la place à l’interrogation concernant le rôle accordé à Ousmane Sonko en cas de victoire de son « remplaçant ».
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