Prune, 18 ans, a un charmant visage rond et des yeux étincelants. Nous l’avons rencontrée dans une ruelle d’Avallon, dans l’Yonne. Elle venait de terminer son examen de philosophie du bac et se dirigeait allègrement vers son petit ami. Le sujet du débat la passionnait : « L’état, a-t-il des obligations envers nous ? » Elle était ravie d’aborder un thème politique, d’autant plus qu’elle avait mentionné Hobbes et Rousseau, et avait beaucoup de points à soulever.
Au lycée, Prune s’opposait souvent à ceux qui se réfèrent uniquement à TikTok pour des opinions politiques et qui se plaignaient toujours de l’état de la France. Hochements déplorables de têtes et discours sur l’agonie persistante de son pays la déprimaient. Elle avait lu la biographie de Simone Veil et le rejet de tout ce qui n’était pas d’origine française semblait se reproduire.
Au moment des élections, Prune s’est sérieusement renseignée et a étudié tous les programmes pour se forger une opinion. Elle s’identifie comme étant résolument de gauche, reproche à Jean-Luc Mélenchon d’avoir gâché les choses, et vote pour le parti socialiste. À la rentrée, elle intégrera la faculté de droit de Dijon avec l’ ambition de devenir procureure ou de se spécialiser en droit de l’environnement et de la faune.
En parlant de son amoureux, Prune a révélé qu’ils se querellent souvent car il vote pour le Rassemblement National. Devant notre étonnement, elle a esquissé un sourire malicieux et a ajouté que ses parents ne pourraient jamais entretenir une relation avec quelqu’un qui vote pour Le Pen.
Un échange a eu lieu quelques jours après, dans un café. Prune est apparue au bras de Kyllian. Agé de 19 ans, habillé d’un t-shirt blanc mettant en évidence ses bras musclés, il suit actuellement une formation en BTS de management à Dijon. Son aspiration future est de devenir le dirigeant d’un magasin, « comme Auchan par exemple. Je vise le sommet. Ouais, être le patron ! » Ils ont abordé la politique : « Je suis complètement pour Bardella. » « C’est trouver comme ton père alors », rétorque Prune en soupirant. « Oui, il a toujours été pour le RN, ou Jean Lassalle quelques fois, pour l’humour. » Le père de Kyllian, Daniel, travaille comme cariste chez Schiever, le plus grand recruteur d’emplois dans l’Yonne, avec sept cents emplois sur le bassin d’Avallon. Sa mère, « qui se revendique plus macroniste », travaille dans le service commercial de L’Yonne républicaine.
« Je ne me vois pas comme raciste », reprend Kyllian. « Je ne voterai jamais pour la gauche car elle ne représente pas mes convictions. Ce que je valorise, c’est la France, celle d’avant. Comment puis-je l’expliquer ? C’était mieux avant. Il y avait moins de crimes, moins d’attaques.
– Tu n’en as aucune preuve ! interrompt Prune.
– Si, si, les problèmes étaient moins nombreux. Juste en bas de mon immeuble à Dijon, un point de vente de drogue a été ouvert. Et juste à côté, une épicerie arabe fait l’objet d’une procédure judiciaire.
– Qu’est-ce que ça change pour toi ? lui demande Prune.
– Rien. Sauf si un conflit éclate ! »
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