À l’âge de 33 ans, Sally Rooney, souvent comparée à Jane Austen pour sa génération, la génération millénaire, est devenue une star internationale de l’édition. Ayant écrit seulement trois romans – Conversations entre amis, Normal People et Où es-tu, monde admirable ?, tous publiés par L’Olivier et adaptés à la télévision – ses oeuvres ont été traduites dans près de quarante langues. À l’occasion de la sortie mondiale de son quatrième roman, Intermezzo, Rooney a accepté de donner une entrevue exclusive au « Monde des livres », sa seule entrevue en France.
Concernant la question de savoir comment elle se sent à l’approche de la publication d’un nouveau livre, surtout que les attentes sont énormes, Rooney explique que cette période est tout sauf agréable pour elle, et qu’elle la trouve plutôt stressante. Elle appréhende cette période avec une certaine difficulté, même si elle est devenue plus compréhensive avec le temps, acceptant le fait que la parution d’un livre représente une pause significative dans sa vie quotidienne et que cette interruption est inévitablement éprouvante et stressante. Autrefois, elle se demandait pourquoi elle se sentait si stressée et se critiquait pour son incapacité à mieux gérer la situation. Désormais, elle se prépare simplement à cinq ou six mois déplaisants avant que sa vie ne revienne à la normale. Étant donné qu’elle ne publie qu’un livre tous les deux ans, elle estime que cela représente un compromis acceptable puisque cela lui laisse du temps pour travailler entretemps. C’est du moins, ce qu’elle se dit.
L’histoire d’Ivan et Peter, des frères dépeints dans « Intermezzo », se déroule après la cérémonie funéraire de leur papa. Ivan, qui a 22 ans, est un prodige des échecs, tandis que Peter est un avocat âgé de 32 ans, et ils semblent ne pas avoir grand-chose en commun malgré leur lien fraternel. Bien que l’amour soit une thématique récurrente dans vos écrits, il est rare de voir aborder l’amour fraternel, surtout en relation avec le deuil paternel. Pourriez-vous expliquer ce choix thématique ?
La décision de développer ces personnages n’a pas été préméditée. Je n’ai pas installé mon atelier d’écriture avec l’intention d’explorer spécifiquement le thème de la fraternité. Plutôt, l’histoire s’est naturellement dévoilée à moi il y a plusieurs années, quand j’ai pensé à un joueur d’échecs qui se rend à une rencontre dans un centre artistique rural. J’ai couché cette idée sur le papier et au fur et à mesure de ma compréhension des personnages, il est devenu évident qu’un frère aîné était présent dans l’histoire du joueur d’échecs. J’ai donc commencé à écrire sur ce frère et sur son cercle, et c’est à cet instant que le roman a commencé à prendre forme. À aucun moment je ne me suis dit : « Il faut que je discute de la fraternité ». Mes romans ne livrent pas de message spécifique, mais donnent plutôt vie aux personnages pour le plaisir du lecteur, tout comme ils le font pour moi.
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