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À Cuba, le pouvoir de l’Internet réduit la pression de l’autorité

Malgré le tremblement de la vidéo, le grésillement du son et la médiocrité du visuel qui transforme les visages en de simples pixels, on saisit rapidement l’importance historique du moment capturé. On distingue une foule compacte, la bouche masquée, des drapeaux cubains et des scooters avançant lentement en klaxonnant en écho au cri unanime : « Liberté, liberté, liberté ! ». Partout, des téléphones se lèvent pour diffuser ce moment historique sur Facebook. Bien que la scène puisse sembler bénigne, elle aurait été totalement inimaginable à Cuba il y a seulement deux ans.

Le 11 juillet 2021, San Antonio de los Baños, situé à quelques kilomètres de la capitale, a été le théâtre de la plus grande manifestation populaire depuis trois décennies. Pour la première fois dans leur histoire, les Cubains ont à leur disposition un moyen potentiel de renverser le régime communiste : Internet. En effet, son accès n’a été généralisé que fin 2018. Julio Ferrer, avocat pour l’organisation Cubalex qui défend les droits humains, note : « Internet a complètement transformé la situation ici. Pensez-y, les gens ne pouvaient pas quitter le pays, et l’Etat contrôlait tous les médias. Personne n’était au courant de ce qui se passait, que ce soit au sein ou en dehors du pays. »

Le mois dernier, à La Havane, Julio Ferrer, un ancien juge, a été interrompu par un appel pendant qu’il se détendait dans son fauteuil à bascule. Sa fille, qui se trouve actuellement à Dallas, aux États-Unis, après être entrée illégalement il y a un an, est apparue sur l’écran fissuré de son smartphone, faisant de l’exercice sur un tapis de course dans une salle aux murs d’un jaune vif. Malgré la qualité médiocre de l’image, les yeux de Ferrer ont brillé à la vue de sa fille. Après l’appel, il est resté pensif un moment avant de poursuivre sa réflexion. Il a commenté l’impact de l’internet permettant aux associations de documenter de nombreux cas de violations des droits humains, qui fait pression sur le gouvernement pour qu’il respecte ses lois.

Plus tôt dans l’année, les manifestations du 11 juillet, connues sous le nom de « 11J » par les locaux, ont fait une différence. Ces protestations ont porté un coup à la confiance du public envers le régime, bien que les médias officiels aient largement ignoré ces mouvements. Pour la première fois, lors de ces deux jours de contestation, chacun a pu voir en direct les manifestations qui se déroulaient à La Havane et dans une cinquantaine d’autres villes, créant ainsi une prise de conscience collective de l’ampleur de la situation. Si la révolution n’a pas été diffusée à la télévision comme on aurait pu le penser, on a brièvement cru qu’elle pourrait être diffusée en streaming.

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