« « L’Homme qui vivait sous terre, accompagné de Souvenirs de ma grand-mère » de Richard Wright, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Azoulai, est un livre édité par Christian Bourgois. Il se vend à 240 pages, à un prix de 18 euros pour une copie physique et 14 euros pour une version numérique.
Ce livre raconte l’histoire d’une censure et d’une révélation, celle d’un ouvrage dont la dénonciation féroce du racisme fut considérée comme étant trop crue dans l’Amérique de 1940. Les dommages faits à l’ouvrage, qui a été transformé en une nouvelle avant d’être oublié pendant cinq décennies sur les étagères d’une bibliothèque universitaire américaine, sont considérés comme un exemple classique d’archéologie littéraire.
Richard Wright (1908-1960), au moment où il rédige L’Homme qui vivait sous terre entre l’été 1941 et le printemps 1942, est considéré comme « l’écrivain noir le plus reconnu d’Amérique ». Son livre Native Son, publié l’année précédente, a rencontré un succès considérable. Edward Asswell, son éditeur chez Harper & Brothers, refuse de publier ce texte dans lequel un jeune Afro-américain s’échappe dans les égouts d’une ville pour éviter une manipulation de la police. La raison invoquée est que le texte serait un « mélange maladroit de réalité et d’allégorie ». Derrière cette critique se cache la peur d’un éditeur de repousser un public encore en train de découvrir cet auteur prometteur par le récit insupportable de violences policières. »
Wright consent à déstructurer son roman pour le transformer en une nouvelle, qui diffère substantiellement du texte initial en termes de puissance. Cependant, il ne renonce pas à son manuscrit original, qui est continuellement révisé. Des versions corrigées et annotées accompagnent Richard Wright depuis Paris jusqu’en Normandie, de l’Afrique au Sud-Est asiatique, où l’auteur, militant pour la décolonisation, voyage fréquemment. À son décès en 1960, à 52 ans, les pages sont confiées à la Yale University (Connecticut). Elles resteront inaperçues pendant un demi-siècle, jusqu’à ce que la fille de l’écrivain découvre cette première version du texte en 2010 et décide de restaurer son intégrité.
Suite à un processus de dix ans de comparaison et de rassemblement des différentes versions du manuscrit, ainsi que de décryptage des notes de Wright inscrites sur les bords de son texte, l’œuvre aboutie a été éditée chez HarperCollins en 2021. Subséquemment, Eliane Benisti, une représentante littéraire célèbre pour sa détection de trésors anglo-saxons, a présenté l’œuvre en France. C’est alors que Pierre Demarty, directeur éditorial chez Christian Bourgois, en obtient les droits. « Un choix logique », souligne Jean Mattern, qui a repris les rênes de la maison d’édition en 2022, maison bien établie dans l’univers des œuvres afro-américaines, incluant celle de la lauréate du Nobel, Toni Morrison (1931-2019). Malgré des inquiétudes quant à la commercialisation réussie d’un roman portant le même titre d’une nouvelle déjà largement distribuée – les ayants droit de Richard Wright refusant de le renommer – Mattern voit dans l’œuvre un pouvoir immence et une résonance contemporaine marquante: « On dirait une analyse approfondie portant sur le mouvement de contestation Black Lives Matter, lancé en 2013 pour lutter contre la brutalité policière raciste aux États-Unis ».
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