À l’aube de l’automne, les chroniqueurs de « Le Monde » ont sélectionné pour vous une liste de quatorze albums, couvrant des thèmes variés, allant de la fugue d’une célébrité adolescente à l’isolement volontaire, les faits divers marquants, les tourments de l’amour et un camp nazi réservé aux femmes.
« Shinkirari, Behind the Curtain, Freedom » est une chronique d’émancipation. Murasaki Yamada, l’une des plumes féminines les plus éminentes du magazine japonais avant-gardiste Garo, a été exceptionnelle en partageant un témoignage intime et sentimentale de la vie de femme au foyer dans les années 1980, un équilibre entre une domesticité oppressante et un désir de liberté qu’elle a vécu elle-même.
Murasaki Yamada, disparue en 2009, était remarquable non seulement pour les sujets qu’elle abordait mais aussi pour la modernité de son trait de plume sobre et souple, ainsi que pour sa mise en scène mêlant des personnages parfois sans visage, ou très éphémères, mais toujours vivants. Il est traduit en français par Sara Correia et publié par Kana.
« Kinderzimmer » est un récit sur les détenues de Ravensbrück. Chaque dessin sur la déportation soulève une série de questions éthiques. Est-ce malsain, voyeur, indulgent ou obscène? Et qu’en est-il de la logique de rentabilité du monde de l’édition, qui rend tout projet littéraire sur les camps nazis suspect? Conscient de ces avertissements, Ivan Gros a passé des années à chercher le bon ton.
Dans une réalisation impressionnante, l’artiste a connu une transition vers le neuvième art en adaptant Kinderzimmer, un roman de Valentine Goby (Actes Sud, 2013) qui raconte l’histoire du camp de concentration de Ravensbrück. Ce faisant, il a collecté minutieusement les dessins réalisés par les femmes emprisonnées et les a connectés en utilisant le texte de Valentine Goby comme un lien non apparent. C’est le grand exploit d’Ivan Gros, de créer une œuvre entièrement unique tout en demeurant invisible derrière les histoires d’autres personnes.
À propos de Ivan Gros, Actes Sud BD, 400 p., 33,50 €.
« Les Crieurs du crime »: une encablure de la Belle époque
Sylvain Venayre, fondateur de deux séries combinant la bande dessinée et les sciences humaines à la Découverte, comprend la valeur additive de la BD dans la diffusion du savoir. L’historien et scénariste illustre cette notion en rappelant un incident de 1907 qui a fait grand bruit : l’affaire Soleilland, du nom d’un ébéniste parisien qui a abusé et tué une petite fille. Grâce à une couverture médiatique sans précédent, l’affaire a soulevé l’indignation du public au moment où le gouvernement Clemenceau envisageait d’abolir la peine de mort, un projet qui a échoué suite au référendum organisé par le journal Le Petit Parisien.
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