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« Six nouvelles de Murakami s’animent »

Récemment, l’animation occidentale a révélé un intérêt croissant pour le Japon, initié un dialogue productif entre différentes écoles de design graphique. Le premier long-métrage de Pierre Földes, un artiste aux multiples talents, est basé sur une sélection de six nouvelles de Haruki Murakami, après que Le Sommet des dieux (2021) de Patrick Imbert a adapté un manga de Jiro Taniguchi. L’esthétique dynamique de l’animation capte parfaitement le surréalisme subtil de l’écrivain renommé de Kyoto, dans une perspective plus audacieusement mature.

Dans le contexte de l’incident de Fukushima en mars 2011, un couple basé à Tokyo se désintègre. Komura, un employé de banque, vit la perte tragique de sa femme, Kyoko, qui avait passé des jours à regarder les reportages de la catastrophe à la télévision avant de partir. Profitant d’un congé, il part pour Hokkaido, dans le nord de l’archipel, pour livrer une boîte mystérieuse qu’un collègue lui hadonné.

Parallèlement, Katarigi, un collègue inférieur maltraité chargé d’un dossier de récupération dangereux, croise une créature fantastique dans son appartement en soirée. Il s’agit d’une grenouille humanoïde nommée « Frog », qui l’exhorte à combattre un ver géant qui s’est niché au coeur de la ville pour prévenir un autre séisme. Le récit est plein de revirements et de rebondissements.

La narration de ces trois protagonistes s’imbrique à travers des connexions souples. Le long de ce récit plein de voyages et contre-voyages, détours et illusions, évoluant par intermittence et explosions, le film attise l’attention par sa combinaison de réalisme mélancolique et de décorations oniriques. Le réalisme est présent dans la mise en mouvement des personnages, basée sur des images réelles, sans l’intention de l’occidentaliser par Földes. Cependant, leur environnement est teinté d’expressionnisme : une réalité impalpable remplie de lignes spectrales, d’ombres mouvantes et de lumières surnaturelles.
La présence intermittente d’animaux totémiques – un chat bleu échappé, une grenouille humanoïde, un poisson naviguant dans l’air – marque les brumes d’une quotidienneté évanescente comme une illusion. Le tableau intime des répercussions de la catastrophe se dérobe dans les demi-teintes, les tons rompus et des suspensions.
Pierre Földes, descendant d’un illustre nom de l’animation hongroise, Peter Foldes (1924-1977), reconnu comme un pionnier de l’animation informatique, mise sur des outils non spectaculaires du genre : un tissu de sensations changeantes et diffuses destiné à exprimer un précipice, un vide interne, une disparition de soi. C’est dans ce défi des interstices que le film trouve sa beauté la plus vibrante, lentement infusée.
Saules aveugles, femme endormie est un film d’animation de Pierre Földes (France, Luxembourg, Canada, Pays-Bas, 2023, 109 min).

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