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14 avril 2024 0 h 09 min

« Risque d’impunité et autoritarisme avec Modi »

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Pratap Bhanu Mehta, ancien vice-chancelier de l’université d’Ashoka et ancien président du Centre for Policy Research basé à Delhi, a intégré Princeton, une université américaine, en 2022. Spécialiste de la politique indienne, il analyse les facteurs qui ont contribué à la longévité du premier ministre Narendra Modi, qui cherche à obtenir un troisième mandat consécutif lors des élections générales qui ont débuté le 19 avril et qui se termineront le 1er juin.
Le 21 mars, le chef du gouvernement régional de Delhi a été arrêté par le gouvernement indien, ce qui pourrait être considéré comme une nouvelle façon de museler l’opposition. L’arrestation d’Arvind Kejriwal est un signe inquiétant. De nombreuses actions de ce gouvernement au cours des dernières années ont été dirigées vers la création d’une culture de peur omniprésente : utilisation sélective des agences d’enquête du gouvernement pour protéger ses membres et cibler l’opposition, répression de la société civile, interdiction des manifestations, censure et utilisation de la loi fiscale et administrative. L’arrestation de Kejriwal, en période électorale, est une première qui risque d’entraver la mobilisation de l’opposition et de compromettre l’équité des élections.
La nature du régime politique actuel en Inde est sujette à débat. Peut-on encore considérer l’Inde comme une démocratie?

Il s’agit d’une problématique complexe. Nos élections démocratiques reflètent un pluralisme politique, qui est crucial pour un régime cherchant à projeter une image de gouvernement appartenant au peuple. Toutefois, le problème est qu’il considère le résultat des élections comme un pouvoir pour renforcer son idéologie nationaliste hindoue, justifiant ainsi l’érosion des libertés civiles et la persécution des groupes de réflexion, des intellectuels et des journalistes pouvant potentiellement résister à cette idéologie. Un grand nombre d’Indiens ne parvient pas à voir cette oppression car elle est spécifiquement ciblée et parce que les partis de l’opposition sont incapables de se regrouper et de se mobiliser sur cette question.

Pourquoi l’opposition n’a-t-elle pas réussi à présenter une alternative crédible ?

Il faut parfois accepter que l’opposition peut être inapte ou totalement débordée. Narendra Modi a habilement réussi à convaincre le public que le Parti du Congrès [parti d’opposition principal] est l’incarnation de l’ancien régime, une élite qui se préoccupe uniquement d’elle-même et qui est déconnectée du peuple. Par exemple, il n’a pas encore réussi à rassembler deux ou trois dirigeants capables de faire un discours en hindi correct et de captiver une foule pendant une heure. Un écart culturel les sépare du peuple. Malgré les efforts de son leader, Rahul Gandhi, qui a parcouru des milliers de kilomètres pour aller à la rencontre de la population, il peine à prendre des décisions politiques audacieuses. Indécis, il ne dispose d’aucune expérience gouvernementale à 53 ans. Sa seule revendication est sa bonne volonté.

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