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Exclu : « Fermons Fessenheim et Sortons du nucléaire » répond à Hollande

Suite à l'annonce du Président de la République de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim fin 2016, infos.fr s'est tourné vers l'association "Fermons Fessenheim et Sortons du nucléaire" pour en savoir plus sur les enjeux et risques encourus. Nous remercions Charlotte Mijeon d'avoir répondu à nos questions.

Suite à l’annonce du Président de la République de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim fin 2016, infos.fr s’est tourné vers l’association « Fermons Fessenheim et Sortons du nucléaire » pour en savoir plus sur les enjeux et risques encourus. Nous remercions Charlotte Mijeon d’avoir répondu à nos questions.

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http://www.fermons-fessenheim.org

François Hollande a annoncé la fermeture de Fessenheim pour fin 2016. Est-ce que cette décision vous satisfait ?

L’annonce de cette date met enfin fin au flou artistique, mais elle ne nous satisfait pas pour autant. Tout d’abord, cette fermeture reste très tardive, et cela ne fait qu’accroître les risques liés au vieillissement de la centrale. En 2016, les réacteurs auront atteint 39 ans de fonctionnement ; or l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) met en évidence des risques de rupture des cuves des réacteurs passé 35 ans. La rupture d’une cuve aurait des conséquences catastrophique.

Tous les travaux qui seront entrepris ne peuvent pallier que de manière marginale ce problème de vieillissement. Par ailleurs, ils ne peuvent rien changer aux risques liés à la situation même de la centrale en zone sismique et en contrebas du grand canal d’Alsace. Enfin, on observe une multiplication des incidents à Fessenheim, dûs à des problèmes de maintenance et à une culture de sûreté dégradée. L’incident qui s’est produit le 5 septembre dernier n’était certes pas gravissime, mais il constituait un symptôme évident de cette dégradation.

De plus, nous estimons que cette date de fin 2016 est trop rapprochée de 2017. En cas de changement de majorité, un redémarrage de la centrale serait tout à fait possible.

Enfin, il est absurde d’engloutir des millions d’euros dans les travaux de sûreté qui sont programmés, pour fermer la centrale juste quelques années après. En cas d’évolution politique, EDF pourrait être tenté de demander une « rallonge » pour Fessenheim afin de rentabiliser ces travaux. Une fermeture immédiate permettrait d’épargner ces dépenses inutiles et de supprimer toute ambigüité.

D’un point de vue énergétique, il serait parfaitement envisageable de mettre la centrale à l’arrêt dès maintenant. Fessenheim étant à l’arrêt la majorité du temps depuis quelques années, pour maintenance ou visite décennale, cela ne ferait pas une grande différence. Par ailleurs, en juin dernier a eu lieu la fermeture de l’usine d’enrichissement d’uranium Eurodif, qui consommait l’équivalent de la production de trois réacteurs nucléaires du Tricastin. La consommation nationale d’électricité a donc fortement baissé, et la fermeture immédiate des deux réacteurs de Fessenheim constituerait une opération blanche.

L’âge de la centrale est-elle l’unique raison de sa fermeture ? / En plus de l’âge de la centrale, quelles sont les autres raisons de la décision de fermer Fessenheim ?

Fessenheim est la doyenne des centrales françaises, mais son vieillissement ne fait qu’exacerber les autres problèmes de sûreté. Comme expliqué plus haut, la centrale est vulnérable à un grand nombre de risques externes (situation en zone sismique et en contrebas du grand canal d’Alsace). Ses piscines de combustible sont également vulnérables à la chute d’un avion.

Elle présente également la spécificité d’avoir un radier (socle de béton sur lequel repose la centrale) particulièrement mince, ce qui est très dangereux. Si le coeur du réacteur venait à percer la cuve, il pourrait traverser ce radier et contaminer les nappes phréatiques bien plus rapidement. La sûreté y apparaît particulièrement dégradée, comme le montrent de très nombreux incidents. Le problème qui s’est produit le 5 septembre représente le 23ème incident depuis le redémarrage du réacteur n°2 en mars dernier.

Enfin, signalons que Fessenheim est toute proche de l’Allemagne et de la Suisse. Ces deux pays ont tous deux décidé de se passer du risque nucléaire ; par ailleurs, les régions de Freiburg et de Bâle se sont battues avec succès pour empêcher la construction de centrales à Wyhl et Kaiseraugst. Depuis, elles sont devenues pionnières dans les énergies renouvelables… mais doivent quand même subir les risques liés à la proximité de la centrale vieillissante de Fessenheim ! La fermeture de cette centrale comporte donc également des enjeux transfrontaliers.

Le coût du démantèlement de la centrale de Brennilis dans le Finistère a été estimé par la cour des comptes à près de 500 millions d’euros. Quel serait selon vous le coût financier approximatif pour celle de Fessenheim ?

Il est impossible de le dire. La Cour des Comptes elle-même ne valide pas les méthodes de calcul fournies par EDF pour estimer le coût du démantèlement des réacteurs actuellement en fonctionnement. Brennilis était une petite centrale de 70 MW. Fessenheim compte deux réacteurs de 900 MW, il ne s’agit pas de la même échelle et on peut supposer que les coûts seront bien plus élevés.

Par ailleurs, il ne s’agit pas de la même technologie. Brennilis était une centrale à eau lourde, alors que Fessenheim est un réacteur à eau pressurisé. Un seul réacteur à eau pressurisé, Chooz A, est en cours de démantèlement en France. Il n’y a pas encore de retour sur les difficultés rencontrées qui permettraient d’extrapoler un coût pour le démantèlement de ce type de réacteur.
Dans tous les cas, l’expérience semble invalider le postulat d’EDF selon lequel le démantèlement ne serait équivalent qu’à 15 ou 16 % du coût de construction.

Les centrales nucléaires françaises sont-elles aussi sûres que peut l’affirmer EDF ?

EDF n’est pas objectif quant à l’évaluation de la sûreté de ses centrales. De nombreux incidents surviennent chaque mois sur l’ensemble du parc, et on découvre régulièrement des défauts génériques qui auraient dû être repérés dès la mise en route des réacteurs. Par ailleurs, il a été observé qu’EDF sous-estimait la vulnérabilité au risque sismique de ses installations.

Certains observateurs étrangers se montrent souvent très critiques vis-à-vis de l’approche française de la sûreté nucléaire. En visite à la centrale de Cattenom à l’occasion des « stress tests », Dieter Majer, expert luxembourgeois, a ainsi déclaré que « les nombreuses lacunes constatées et leur importance en matière de sûreté laissent supposer que l’exploitant de la centrale n’est pas grandement sensibilisé à la sécurité des installations » (Dieter Majer, « Rapport final sur le test de résistance de la centrale nucléaire de Cattenom »).

Par ailleurs, on s’attache souvent trop à l’aspect technique de la sûreté en négligeant le facteur humain. Or, les travailleurs s’expriment de plus en plus pour dénoncer des conditions de travail dégradées, qui ne permettent plus de garantir la sûreté des centrales. En février 2011, dans une contribution rédigée pour le congrès de l’UFICT (Union Fédérale des Ingénieurs, Cadres, Techniciens et agents de maîtrise, branche de la CGT), des syndicalistes ont déclaré que « même si la technologie n’est pas mise en cause, nous affirmons que le nucléaire n’est plus sûr, pour des raisons non pas techniques mais humaines ».

Le sort des prestataires extérieurs, qui effectuent les tâches les plus pénibles et reçoivent 80 % des doses de radioactivité, est encore plus problématique. Chargés des tâches de maintenance, ils travaillent dans des cadences de plus en plus pénibles, et ne disposent pas toujours d’une formation adéquate, si bien qu’ils ne sont pas en mesure de mener à bien correctement l’ensemble des tâches qui leur incombent. La chercheuse Annie Thébaud-Mony, dans son ouvrage L’industrie nucléaire, sous-traitance et servitude, a mis en évidence les difficultés rencontrées par ces sous-traitants.

On parle beaucoup de Fessenheim, mais d’autres centrales ne devraient-elles pas être fermées également ?

Bien sûr. Fessenheim ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. En tout, une vingtaine de réacteurs ont déjà dépassé les trente ans de fonctionnement, date au-delà de laquelle des signes de vieillissement sérieux apparaissent, notamment sur la cuve des réacteurs. Ils devraient être fermées en priorité, et si possible immédiatement. Parmi ces réacteurs, certains cumulent également les risques : pensons à Tricastin, situé en pleine zone sismique ; au Bugey, situé à 35 km de Lyon seulement, qui pourrait être inondé en cas de rupture d’un barrage en amont ; à Gravelines, près de Dunkerque, située tout près du niveau de la mer et entourée d’un terminal méthanier et de 13 sites Seveso…

Toutefois, même des centrales plus récentes connaissent de nombreux problèmes, comme en témoigne l’accident qui s’est produit en avril dernier à la centrale de Penly. De manière générale, les problèmes liés au facteur humain touchent toutes les centrales.

La seule décision cohérente pour la sûreté nucléaire serait une véritable décision de sortie du nucléaire, accompagnée bien sûr d’un plan de transition vers des alternatives énergétiques.

Un accident de type Fukushima pourrait-il se produire en France ? Sommes-nous en mesure de gérer un tel incident ?

André-Claude Lacoste, président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, a lui-même déclaré qu’un accident nucléaire ne pouvait pas être exclu en France. Les normes de sûreté en France ne sont pas plus strictes que dans les pays voisins, et notre pays est le seul en Europe à compter 58 réacteurs en fonctionnement, ainsi qu’une usine de retraitement du combustible à La Hague. Mathématiquement, la France cumule les risques de voir apparaître un accident sur son territoire.

Notre pays ne serait probablement pas plus à même de gérer un tel problème que le Japon. Les plans d’évacuations ne sont prévus que pour un périmètre de 10 km autour des centrales, alors que l’expérience de Tchernobyl et Fukushima montrent qu’un rayon de 40 km peut être gravement contaminé. En cas d’accident à la centrale nucléaire du Bugey, qui n’est située qu’à 35 km de Lyon, où et comment évacuerait-on les deux millions d’habitants de l’agglomération lyonnaise ?

La catastrophe de Tchernobyl n’a pu être contenue que grâce au sacrifice de près de 800 000 jeunes hommes, les « liquidateurs », qui ont été envoyés sur les lieux de l’accident au péril de leur santé et sans disposer d’aucune information sur la dangerosité réelle de leur tâche. Aujourd’hui, une très grande partie de ces liquidateurs sont morts ou malades. Un pays démocratique peut-il envisager d’envoyer ainsi en kamikaze des centaines de milliers de citoyens sur un site nucléaire accidenté ? Le risque nucléaire n’étant pas compatible avec la démocratie, il est urgent de se passer de cette technologie avant qu’une catastrophe ne survienne.

Que demandez vous de plus au Président de la République ?

Nous souhaiterions que le Président de la République prenne la mesure du risque nucléaire en France, ainsi que du fait que les investissements dans cette technologie extrêmement coûteuse constituent un obstacle au développement de réelles alternatives énergétiques. Il est urgent de décider d’une sortie du nucléaire, ainsi que d’un véritable plan de réorientation de notre politique énergétique, basé sur les économies d’énergie, l’amélioration de l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables.

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